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PILAT 2014 145 gan tissées appelées vavara (wowara, uara). Après quelque temps, il m’est apparu évident que les habitants de ces îles ne croyaient aucunement en un être qu’un Occidental appellerait un « dieu ». En revanche, ils reconnaissaient d’autres êtres, que nous appellerions « surnaturels », comme ges, et des forces de vie comme tadar, tanua, marumarua et virua. Pour en revenir à la Polynésie, au fil de mes lectures, je me suis aperçu que le terme « dieux » renvoyait à une notion beaucoup trop simpliste et que la réalité qui existait sur ce territoire il y a deux cents ou trois cents ans était bien plus complexe que celle décrite par les missionnaires occidentaux. Une grande part de mon travail a consisté à examiner une quantité énorme d’informations afin de trouver une description qui correspondait au contexte d’utilisation des atua. Pour la rédaction de ce catalogue, j’ai eu accès à six types d’information : des chroniques des premiers navigateurs occidentaux et les membres d’équipage ; des dessins, croquis et peintures réalisés par des artistes occidentaux ; des documents écrits par les premiers missionnaires chrétiens ; des preuves linguistiques consignées dans des dictionnaires du XIXe siècle ; des rapports d’archéologues et ce que les habitants actuels des îles polynésiennes ont choisi de me raconter. Cette dernière a été la source d’information la plus importante pour moi, car même si les propos ont considérablement varié d’une personne à une autre, ces témoignages m’ont prouvé l’existence de liens avec le surnaturel et m’ont démontré à quel point la compréhension de l’ère préchrétienne de ces individus était vivante. FIG. 8 (À GAUCHE) : Vue de l’exposition à l’origine de la présente publication. FIG. 9 (À DROITE) : Sculpture portrait. Maori, Aotearoa/Nouvelle-Zélande. Reproduite p. 212. FIG. 10 (CI-DESSOUS) : Sculpture d’ancêtre déifié A’a. Rurutu, Îles Australes. Reproduite p. 76. T. A. M. : Enfin, l’ouvrage comporte quelques textes d’autres spécialistes mais vous en restez le principal auteur. Cela mérite d’être souligné car la plupart des parutions récentes dans le domaine des arts premiers sont des titres co-signés. Est-ce le sujet qui a imposé cette démarche ? Que pensez-vous que cela apporte de particulier au lecteur ? M. G. : Dès le début de ce projet, j’ai tenu à collaborer avec des Polynésiens et en particulier avec des artistes qui s’intéressaient à leur culture et à leurs croyances traditionnelles. Cela m’apparaissait comme une évidence compte tenu du thème abordé : les objets d’art préchrétiens et le système de croyances auxquels ils étaient associés. Je trouvais préférable de ne pas m’entourer d’autres universitaires formés en Occident, même si j’ai évidemment lu leurs travaux. Au fur et à mesure de l’évolution du projet, j’ai fait la connaissance de plusieurs Polynésiens – quatre femmes et trois hommes – avec lesquelles je pouvais travailler et qui comprenaient ma démarche. Pour diverses raisons, les quatre Polynésiennes se sont retirées du projet. Quant aux hommes, ils ont tous trois poursuivi l’aventure et ont écrit sur leur vision des atua à partir de leur expérience en tant qu’artistes ou en tant qu’individus travaillant au contact d’objets liés aux atua. En ce qui me concerne, étant étranger à la culture polynésienne et celui qui pouvait consacrer le plus de temps à l’écriture, j’ai rédigé l’essentiel du catalogue. Cela a permis me semble-t-il que la question centrale – à savoir : que sont les atua et comment les objets d’art y sont-ils liés – ne soit pas diluée ou perdue de vue.


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