FIG. 4 : Masque de transformation d’aigle / oiseau-tonnerre. Kwakwaka’wakw, nord-est de l’île de Vancouver, Colombie- Britannique. Ex-coll. Fred Harvey Co. ; Max Ernst ; Proctor Stafford ; William P. Palmer III. Avec l’aimable autorisation du Hudson Museum, université du Maine, inv. HM5521. FIG. 5 (EN BAS) : Bruce Alfred examinant le masque kwakwaka’wakw,. © Burke museum, Seattle. 125 vivant aux alentours de Seattle et dans l’ouest de l’État de Washington. Contrairement à leurs voisins du nord, les Salish ne produisaient pas de grandes sculptures héraldiques et, par conséquent, cette tradition artistique locale n’a été reconnue qu’au moment où des artistes de sous-groupes salish comme William Shelton (Snohomish, 1868–1938) et Joseph Hillaire (Lummi, 1894–1967) se mirent à sculpter des « totems narratifs » de style salish et à les exposer à travers la région. Cette reconnaissance commença avec un poteau sculpté par Shelton, érigé dans la réserve des Indiens Tulalip en 1912 et se poursuivit pendant des décennies4. Toutefois, le canon esthétique associé à l’art de la Côte nordouest était déjà bien défini dans l’imaginaire populaire. Lors de la création d’une équipe professionnelle de football américain à Seattle au milieu des années 1970, le nom « Seahawks » fut choisi parmi mille sept cent quarante et un noms soumis lors d’un concours public au cours duquel il fut proposé environ cent cinquante fois. L’équipe étant la seule à s’établir dans le Nord-Ouest, la représentation de la tête de rapace dans le style indigène constituait une référence spécifique à la région5. En 1975, le président de la franchise, John Thompson, déclara : « Nous sommes conscients que non seulement le nom, mais également le style du casque, l’emblème et l’équipement revêtent une importance capitale dans notre volonté d’établir notre identité et notre image tant sur le plan régional que national. » (fig. 3)6. Thompson ajouta que la NFL, chargée de créer le design, s’était inspirée de certains livres concernant la culture indienne du Nord-Ouest. « Nous souhaitions adhérer à la culture indienne du Nord-Ouest, mais aucune condition n’a été imposée à la NFL en matière de design »7. Une fois le premier emblème des Seahawks dévoilé, en 1975, l’artiste Marvin Oliver (Quinault / Isleta), qui avait étudié avec Bill Holm, proposa une version remaniée qui, selon lui, se rapprochait davantage des principes artistiques « lignesformes » du nord de la Côte nord-ouest dont parle Holm dans son livre (fig. 8)8. La NFL ne modifia l’emblème qu’en 2002 afin de le moderniser, en supprimant une partie de la ligne de la paupière et en donnant à l’oiseau une apparence plus agressive (fig. 6). Durant la frénésie entourant le Super Bowl 2014, mes étudiants se sont intéressés à l’origine de l’emblème des Seahawks et m’ont demandé si je la connaissais. Je me suis souvenue que Bill Holm, qui avait été mon professeur dans les années 1970, en avait parlé. Je lui ai demandé si les graphistes de la NFL avaient pris contact avec lui et il m’a répondu que non. En revanche, il savait qu’ils s’étaient basés sur l’illustration d’un masque dans un livre. Ensuite, il est allé chercher le livre de Robert Bruce Inverarity de 1950 Art of the Northwest Coast Indians9 dans sa bibliothèque et, en parcourant les pages, a trouvé l’illustration du masque à transformation Kwakwaka’wakw utilisée par les graphistes de la NFL pour créer l’emblème des Seahawks (fig. 2 et 4). La courbe de l’épaisse ligne peinte longeant l’avant de l’orbite et s’achevant à l’arrière de la bouche, les lignes ouvertes dessinant le contour des paupières et la ligne de la bouche et du bec correspondent bien à l’emblème original des Seahawks de Seattle. Dans la semaine suivant la publication d’un blog du Burke Museum consacré à la question au début de l’année dernière, Gretchen Faulkner, directrice du Hudson Museum à l’université du Maine, nous informa que ce masque kwakwaka’wakw se trouvait dans la collection de son musée.
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