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Sogolon la scrofuleuse 111 malienne contemporaine démontre aussi que, par-delà la reconnaissance d’un passé historique prestigieux100, le Mali d’aujourd’hui honore les chantres de sa tradition orale qui, justement, réactivent cette tradition et la réinterprètent dans une perspective actuelle101. Une dernière raison est, enfin, d’encourager les chercheurs maliens et étrangers à étudier le passé de la région par l’intermédiaire de ces oeuvres en tenant compte des études réalisées par les anthropologues, historiens et linguistes qui ont patiemment récolté, enregistré et archivé les traditions orales transmises de génération en génération, notamment par les griots. L’archivage de cette culture immatérielle permettra peut-être, un jour, de la mettre en résonance avec la culture matérielle extraite – légalement ou non – de son sous-sol. La perte des données archéologiques, dans le cas de fouilles clandestines, est une réalité avec laquelle nous sommes obligés de composer car il n’y a guère de retour en arrière possible, mais elle ne devrait pas être considérée comme une fatalité qui nous interdit de poser les yeux sur ce patrimoine et d’y exercer notre capacité à raisonner et à tenter des interprétations. Une extrapolation dans le sillage des serpents Nous avons déjà rencontré des cas antérieurs de cette éventuelle convergence de la tradition orale avec un témoin de la culture matérielle que nous communiquons également dans cet article, car ils viennent conforter nos tentatives de trouver des pistes de compréhension de ce patrimoine en le rapprochant du savoir des griots. En 2008, suite à l’opportunité qui nous a été donnée de scanner la hutte aux serpents du DIN du New Orleans Museum of Art (NOMA) (fig. 32), nous avions pu entrevoir l’illustration d’un récit mythique102 mandingue. En effet, la scène de sacrifice, révélée par le scanner à l’intérieur de l’édifice, évoquait singulièrement le mythe du serpent Bida103. Comme dans le genre épique, il existe de nombreuses variations sur un même thème dans les différentes histoires mythiques. Celle du serpent Bida – entité tutélaire qui protégeait autrefois le Wagadou, ancien royaume de Ghana, et lui permettait de prospérer – suit le schéma suivant : « Le serpent en question recevait, tous les ans, en sacrifice, une fille vierge fournie à tour de rôle par les clans du PAGE DE GAUCHE FIG. 34 : Statue de femme accouchant d’un serpent, région du DIN, Mali. XIIe-XIVe s. Terre cuite à engobe ocre rouge. H. : 36 cm. Musée Barbier-Mueller, Genè ve. Inv. 1004-95. © Musée Barbier-Mueller, Genè ve. Photo : Studio Ferrazzini Bouchet, Genève / Carouge. FIG. 35 (EN HAUT ) : CT-scans de la figure 34, vues 3D opaques selon deux incidences. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles.


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