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DOSSIER publiés à ce jour, présentent la probabilité de représentations 108 cultuelles qui servaient au cours de cérémonies propitiatoires et impliquaient des sacrifices d’animaux (parfois d’êtres humains), pour obtenir les faveurs d’entités diverses, ou encore qui célébraient des personnalités exemplaires et illustres devenues ancêtres déifiés88. Dans la plupart des cas, ces affirmations reposent sur des recherches de terrain à caractère « anthropologique » qui tiennent compte de témoignages enregistrés au XXe siècle, ce qui les rend d’emblée peu crédibles et en tout cas non exploitables scientifiquement, quand bien même elles développeraient les interprétations que l’on souhaite89. Ces assertions font partie d’un postulat dénigrant qui conçoit l’Afrique comme un ensemble de sociétés qui auraient des pratiques immuables au travers des siècles. C’est un discours dépassé dans les milieux académiques90 qui produit encore des émules, mais non sans d’énormes remous médiatiques et avec une mobilisation immédiate de la communauté scientifique outrée91. Bamba Suso, un des griots dont la mémoire fut sollicitée pour retracer les hauts faits de Soundjata, ne s’y laisse pas prendre, quand il affirme, à la fin de son récit : « C’est ici que ma propre connaissance s’achève. Soundjata prit alors le contrôle du Susu et du Manding. Le mode de vie des gens de l’époque et celui que nous avons aujourd’hui ne sont pas les mêmes. »92 Il y a, par ailleurs, dans le dynamisme des changements, des éléments que la littérature orale exploite et reprend à son compte en introduisant des anachronismes qu’elle assume pleinement, puisqu’elle utilise des événements du passé, notamment pour les transformer en valeurs morales contemporaines. Les griots prennent des libertés pour s’adapter à leurs auditoires comme l’illustre la mention de Dô Kamissa, invulnérable aux balles de fusil. Si l’on peut accepter l’idée que les pratiques religieuses fassent partie de celles qui varient le moins – notamment parce qu’elles tentent, dans la mesure du possible, de rester conformes à l’orthodoxie des rites – il n’est pas pertinent de reprendre certains rituels « animistes » des populations de la région93, tels qu’ils ont été observés durant le XXe siècle, et de s’en inspirer pour créer une appréhension de l’usage des terres cuites du DIN. Ce serait une supercherie, sans même compter les multiples enquêtes qui ne démontrent que la bonne volonté des personnes interrogées et leur tendance à vouloir satisfaire, par un « discours écran »94, celui qui se présente comme anthropologue. De toute évidence, nous ne pouvons utiliser ces données-là. En revanche, suite aux conclusions des fouilles archéologiques, on peut considérer que les objets relevaient d’un culte domestique, ou parfois FIG. 29 (À GAUCHE) : CT-scans de la figure 28, vues 3D opaques selon deux incidences. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles. FIG. 30 (À DROITE) : Capture d’é cran du site Internet du mqB (mars 2013). Il est important de signaler que cette précision « usage funéraire » vient d’être changée en « usage indéterminé ». FIG. 31 (CI-CONTRE) : Photographie du Buffle de Dô sur la place Sogolon à Bamako, Mali. Photo : Renaud Gaudin.


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