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Sogolon la scrofuleuse 101 de tuteurs, raison pour laquelle il développa une grande force au niveau des bras. « Le fils de Sogolon eut une enfance lente et difficile : à trois ans, il se traînait encore à quatre pattes, tandis que les enfants de la même année que lui marchaient déjà. Il n’avait rien de la grande beauté de son père Naré Maghan ; il avait une tête si grosse qu’il semblait incapable de la supporter ; il avait de gros yeux qu’il ouvrait tout grands quand quelqu’un entrait dans la case de sa mère. »62 À sept ans, Soundjata ne marchait toujours pas63 et, dans certaines versions, c’était encore le cas à neuf64, à quatorze65 et à dix-sept ans66. Il était « perclus », « toujours à terre ».67 Trois exemples (fig. 17 à 22) viennent immédiatement à l’esprit, figures d’un homme handicapé qui se meut sur les genoux et dont les mains prennent appui sur des manilles semi-circulaires68. De l’observation de ces statues il ressort que deux d’entre elles ont une bosse dorsale (fig. 17 et 19). En outre, l’une d’elles (fig. 17) révèle un thorax en bréchet de pigeon comme les trois exemples vus précédemment (mqB, fig. 10 et 12). Par ailleurs, elles ont toutes un décor serpentiforme. Une bosse dans le dos et un thorax en bréchet de pigeon... Comme Sogolon ? Comme sa mère ! Largement défavorisé, Soundjata n’en fut pas moins un conquérant et un stratège étonnant, protégé par le clan maternel, celui du buffle, dont il porte aussi la marque symbolique si l’on accepte d’interpréter la protrusion sternale comme l’évocation d’un événement appartenant au merveilleux dans l’épopée (cf. supra, ce petit quelque chose au niveau du buste qui manque certes d'élégance, mais qui est redoutable et particulièrement efficace). Or, cette filiation matrilinéaire, par l’intermédiaire du buffle, est souvent mentionnée et valorisée : « Écoutez l’histoire du fils du Buffle, du fils du Lion. Je vais vous parler de Maghan Soundjata, de Mari-Djata, de Sogolon Djata, de Naré Maghan Djata ; l’homme aux noms multiples contre qui les sortilèges n’ont rien pu. »69 Autre élément surprenant, hormis la position agenouillée et la présence des arceaux de soutien signalant une personne handicapée, presque tout dans ces sculptures laisse présager l’homme qui pourra se lever. Sa puissance est immanente et les portraits semblent animés d’une étonnante détermination. À quoi pourraient correspondre la bosse dorsale et la déformation en bréchet de pigeon, en dehors de leur représentation comme charge symbolique liée à la mère et de son PAGE DE GAUCHE FIG. 17 : Statue représentant un handicapé, région du DIN, Mali. XIIIe-XVIIe s. Terre cuite à engobe ocre rouge. H. : 48 cm. Ex-coll. Baudouin de Grunne. Collection privée. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles. Photo : Frédéric Dehaen. Studio Roger Asselberghs, Bruxelles. FIG. 18 : CT-scans de la figure 17, vues 3D opaques selon trois incidences. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles. FIG. 19 (CI-CONTRE) : Statue représentant un handicapé, région du DIN, Mali. XIe-XVIIe s. Terre cuite à engobe ocre rouge. H. : 47,9 cm. Ex-coll. Philippe Guimiot. The Menil Collection, Houston, Texas. Inv. 81-056 DJ. © The Menil Collection, Houston. Photo : Hickey-Robertson, Houston. FIG. 20 (À DROITE) : CT-scans de la figure 19, vues 3D opaques selon deux incidences. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles.


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