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observateurs de partager cette expérience selon la manière dont ils y réagissaient. La méthode de Barnes fournissait une approche visant à analyser la forme qui permettait à l’observateur de reconstruire l’expérience incarnée par une oeuvre d’art. Selon Barnes, une forme réussie passait par deux éléments essentiels : l’unité et la variété. La composition générale doit être unie par un thème central auquel contribuent tous les composants, et ces composants doivent être variés afi n de susciter l’intérêt27. Pour Barnes, tout le monde était intrinsèquement capable d’adopter une telle approche, car elle n’exigeait aucune connaissance particulière. Un observa- 95 FIG. 13 (CI-DESSUS) : Couverture de Primitive Negro Sculpture, 1926. Collection de photographie, Barnes Foundation Archives. © Barnes Foundation Archives. FIG. 14 (CI-CONTRE) : Couple assis destiné à un devin dû au maître du couple baule des Barnes. Baule, Côte d’Ivoire. Fin du XIXe siècle. Bois. H. : 42,9 cm. The Barnes Foundation, A276. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. La Barnes Foundation un avant-goût des « acquisitions récentes » de la Fondation eut lieu à la galerie parisienne de Guillaume, qui venait d’être nommé responsable des affaires étrangères de la Barnes Foundation. Outre des tableaux d’artistes d’avant-garde européens qui faisaient déjà la réputation de Barnes, l’exposition comprenait trente-cinq sculptures africaines. Elles étaient décrites dans le communiqué de presse (esquissé par Barnes) comme « une collection d’art nègre de meilleure qualité et plus représentative que ce que l’on peut trouver dans n’importe quel musée, y compris le musée du Congo à Bruxelles ou le British Museum.25 » Bien accueillie à Paris, l’exposition fi t la une des journaux aux États-Unis. Le 5 février 1923, le Public Ledger de Philadelphie titrait – au-dessus d’illustrations de peintures des artistes modernes Chaim Soutine et Amedeo Modigliani fi gurant dans la collection de Barnes – « Les pièces d’art africain pour le Merion Museum, sont les plus exhaustives au monde » (fi g. 12). Pourquoi la sculpture africaine était-elle si importante dans la vision de Barnes pour la Fondation ? Si ses contemporains ne s’interdisaient pas de réunir des sculptures africaines et des tableaux des avant-gardes européennes, Barnes, qui souhaitait constituer une collection d’art africain incluant des associations esthétiques, alla bien plus loin. Dès 1922, il avait perçu non seulement la valeur artistique de la sculpture africaine par rapport à l’ensemble de sa collection, mais surtout son utilité dans le cadre de la mission sociale de la Barnes Foundation. Les années ayant conduit à l’établissement de la Fondation furent très importantes dans la mesure où Barnes en profi ta pour se cultiver. Il étudia les écrits du philosophe naturaliste George Santayana (1863-1952), dont les pensées sur l’esthétique servirent de base philosophique à sa théorie de la forme idéale, ainsi que les analyses psychologiques de William James (1842-1910).26 Barnes fut particulièrement et profondément infl uencé par la philosophie éducative progressiste de John Dewey (1863-1952), avec qui il noua une longue amitié après avoir assisté à une conférence de Dewey à la Columbia University en 1917. Ensemble, les travaux de Dewey, de James et de Santayana livraient une défi nition globale de l’expérience esthétique. Barnes s’en inspira lorsqu’il élabora sa propre méthode dédiée à l’observation et la compréhension de l’art. Ce concept sera publié en 1925 sous l’intitulé The Art in Painting. La méthode de Barnes reposait sur l’analyse de ce qu’il appelait la « forme plastique » – comment les artistes utilisent la couleur, le trait, la lumière et l’espace pour transformer avec créativité leurs expériences individuelles en oeuvres d’art. Manifestation visuelle de l’expérience individuelle, l’oeuvre d’art (ce que Barnes qualifi e de « forme ») permettait aux


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