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DOSSIER 96 teur n’a nul besoin de connaître le contexte de l’oeuvre, ni la biographie de l’artiste pour analyser sa forme, et n’importe quelle oeuvre d’art peut être soumise à une telle analyse. Le fait de ne retenir que « forme plastique » a favorisé l’émergence d’un vaste cadre critique englobant toutes les expressions visuelles, indépendamment du genre, du sujet ou de son origine, y compris la sculpture africaine. En réalité, Barnes considérait la sculpture africaine comme la plus pure expression de la forme tridimensionnelle et en ce sens, comme l’une des plus grandes traditions artistiques au monde. Saluée pour sa présentation de « toutes les écoles majeures de la sculpture nègre », la collection assemblée par Barnes était pourtant loin d’être représentative. En tant que collectionneur, Barnes sélectionnait soigneusement des objets qui refl étaient et renforçaient sa propre méthode d’appréciation de l’art. Dès lors, sa collection est extrêmement sélective et révèle une préférence pour les masques relativement naturalistes et la statuaire fi gurative provenant de régions spécifi ques d’Afrique de l’Ouest. Si les choix de Barnes correspondent en général aux goûts dominants de l’époque en matière d’art africain, ses critères esthétiques et les points de vue idéologiques qui y sont liés sont particulièrement bien défi nis pour l’époque et mis en évidence dans le livre Primitive Negro Sculpture (fi g. 13). Bien que la paternité de cet ouvrage soit attribuée conjointement à Paul Guillaume et Thomas Munro, professeur du département pédagogique de la Fondation, Barnes a joué un rôle prépondérant dans la conception, le développement et la rédaction de ce texte infl uent et en a fait une référence utile pour quiconque s’intéresse à la portée de sa collection d’art africain28. LE TRIOMPHE DE « L’ART NÈGRE » Au printemps 1925, la Barnes Foundation fut inaugurée offi - ciellement au 300 North Latch’s Lane à Merion, en Pennsylvanie, devenant la première installation permanente aux États-Unis à présenter des objets africains d’un point de vue esthétique29. Lors de l’ouverture offi cielle en 1925, seules des peintures d’artistes d’avant-garde européens et américains et des sculptures africaines étaient exposées, même si, comme mentionné plus haut, elles faisaient partie d’une collection bien plus vaste assemblée par Barnes et qui, à l’époque, comprenait des dessins et de l’art religieux du début de la Renaissance et abritera plus tard des récipients en étain et en céramique ainsi que de la ferronnerie ornementale et fonctionnelle. La collection fut exposée dans une galerie imaginée par l’architecte français Paul Philippe Cret (1876-1945), qui était également professeur d’architecture à la University of Pennsylvania. Bâtie en calcaire de France et munie de tuiles en argile typiques de l’architecture coloniale espagnole, la galerie possédait un espace central ouvert à deux étages sur- FIG. 15 (EN HAUT) : Entrée de la Barnes Foundation, Merion, Pennsylvanie. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. FIG. 16 et 17 (À DROITE) : Design du portique par Enfi eld Pottery and Tile Works (le premier), 1924, et par Paul Cret (le deuxième), 1923. Correspondance de Paul Cret, Barnes Foundation Archives. Photo : Rick Echelmeyer. FIG. 18 (CI-DESSOUS) : Figure féminine ninana. Mossi, Burkina Faso. Fin du XIXe - début du XXe siècle. Bois. H. : 43,2 cm. The Barnes Foundation, A140. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation.


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