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94 la suite d’un désaccord qui fi nira par mettre un terme à la relation entre les deux hommes, Barnes écrira à Guillaume : « Concernant ma collection d’art nègre, la vérité c’est que tu n’as jamais choisi un objet pour moi. C’est moi qui les ai choisis, en me fi ant à mon propre jugement »21. L’ART AFRICAIN ET LA MISSION PÉDAGOGIQUE DE LA BARNES FOUNDATION Tandis que Barnes aiguisait ses connaissances et achetait des sculptures africaines de façon très sélective, il s’attacha également à préparer la création d’une institution éducative qui abriterait sa collection. La mission première de la Fondation, établie en 1922, consistait à « favoriser le progrès de l’éducation et la reconnaissance des beaux-arts ». C’est sans doute cette vocation visionnaire – dont les bases furent jetées sur du papier à lettres du Plaza Hotel en avril 1922 – qui a incité Barnes à s’investir corps et âme dans la collection de sculptures africaines trois mois plus tard22. Dès l’automne 1922, Barnes ne cachait pas son intention d’inclure l’art africain dans la future Fondation, qui sera reconnue offi ciellement en décembre de cette année-là23. La sculpture africaine en vint à prendre le dessus sur les autres domaines de sa collection, en dépit des nombreuses dépenses liées à la construction de nouveaux bâtiments pour sa Fondation. Barnes assura à Guillaume qu’il aurait « suffi samment de liquidités » pour les acquisitions prioritaires, notamment des oeuvres de Picasso et Matisse, et également « pour étoffer sa collection de sculpture nègre. 24 » En assurant la promotion de ses projets pour la Fondation, Barnes oeuvrait à la valorisation de sa collection de sculptures africaines. Le 22 janvier 1923, une exposition donnant York et dans ses environs. Il a très vraisemblablement visité l’exposition de 1918 African Negro Sculpture, organisée par Marius de Zayas pour sa Modern Gallery à New York. Barnes a certainement dû voir le portfolio d’art africain paru en édition limitée que de Zayas avait conçu cette année-là avec le photographe Charles Sheeler (à qui l’on doit aussi un album sur la collection de Quinn)16. Plus près de chez lui, Barnes a probablement eu l’occasion de visiter une exposition d’art africain au University of Pennsylvania Museum en 1918, un événement organisé par Charles Sheeler17. En matière de collection, les ambitions et les critères de Barnes étaient identiques quels que soient les domaines d’intérêt. Il faisait preuve d’autant de rigueur et de clairvoyance en achetant de l’art africain que de la peinture européenne. Bien que certains puissent penser que sa collection refl ète en réalité les goûts et les préférences de Guillaume, il ne fait aucun doute que Barnes est le principal responsable de son développement18. Même au tout début, Barnes se montrait sûr de ses choix d’oeuvres africaines et ne sollicitait que rarement l’avis de Guillaume19. En un laps de temps extrêmement court, Barnes s’est davantage positionné comme un conseiller de Guillaume plutôt que comme un client, non seulement en matière d’art, mais également concernant les transactions commerciales, conseillant le marchand sur des stratégies de vente et soulignant le rôle majeur de la Barnes Foundation dans l’établissement d’un marché dédié à l’art africain20. À FIG. 10 (À GAUCHE) : Photo d’un masque mukudj (fi g. 11) par Man Ray, 1921. Dédicacé par Paul Guillaume à Laura Leggett Barnes, épouse d’Albert Barnes. FIG. 11 (CI-DESSOUS) : Masque mukudj. Punu, Gabon. XIXe - début du XXe siècle. Bois, kaolin et pigments. H. : 31,8 cm. The Barnes Foundation, A282. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. FIG. 12 (À DROITE) : Lignes de titre du Public Ledger de Philadelphie du 5 février 1923 annonçant de l’art africain à la Barnes Foundation. Collection de photographie, Barnes Foundation Archives. © Barnes Foundation Archives.


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