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collections de la LMS étaient collectées non pas par des missionnaires anglais, mais par des « professeurs » tahitiens 92 convertis au christianisme. Le plus important d’entre eux était Papeiha, qui avait été l’un des premiers Tahitiens à se convertir. Grâce à Pomare, les missionnaires changent leur fusil d’épaule et dès 1820, leurs instructions aux professeurs polynésiens convertis indiquent ceci : « Si vous récupérez des idoles, brûlez-en quelques-unes (mais pas les meilleures). 7 » Les idoles, qui à présent ne servent plus à alimenter les fl ammes, sont subitement considérées comme « des trophées du christianisme, obtenus lors de notre combat remporté sans effusion de sang 8 ». Des cargaisons d’idoles commencent à arriver en Angleterre en 1817, avec tout d’abord dix des dieux de Pomare destinés au culte familial. Ils sont entreposés au Missionary Museum de la LMS à Old Jewry, non loin de Cheapside. La propagation du christianisme à d’autres îles entraîne l’augmentation du nombre d’idoles envoyées en Angleterre. Les expositions d’idoles deviennent populaires et le musée apparaît dans des guides de voyage et des journaux. Un catalogue est publié en 1826, puis un autre aux alentours de 1843. La description du musée par le premier historien de la LMS fait état d’« un lieu à la fois affreux et glorieux9 ». Le Missionary Museum demeure ouvert au moins jusqu’en 1875. Augustus Franks, à l’époque conservateur du Department of British and Mediaeval Antiquities and Ethnography, obtint la collection de la LMS pour le compte du British Museum – sous forme de prêt – en 1890. Vingt ans plus tard, Charles Hercules Read, son successeur, l’achètera pour mille livres. Les missionnaires et une délégation de deux examinateurs externes des Missions de la LMS dans les mers du Sud, Daniel Tyerman et George Bennet, obtiendront sur place des objets supplémentaires, qui ont depuis rejoint les collections de nombreux musées. Contrairement aux explorateurs, les missionnaires se sont établis et sont demeurés en Polynésie pendant des décennies, voire leur vie entière. Ils ont été les premiers Européens à apprendre le tahitien, ce qui leur a permis de documenter une bonne partie de la culture polynésienne. Certains sont devenus de bons ethnographes. Même si leur but premier consistait à christianiser les insulaires et éradiquer la religion traditionnelle et ses idoles païennes, les missionnaires de la LMS – grâce à Pomare et Papeiha – ont fi nalement sauvé de nombreux objets, alors qu’ils avaient pourtant parcouru quelque vingt mille kilomètres pour les détruire. Il ne fait aucun doute qu’en raison d’un certain parti pris contre les activités des missionnaires et leurs liens avec FIG. 11 : George Baxter (1804-1867), The Massacre of the Lamented Missionary the Rev. J. Williams and Mr. Harris, 1841. Estampe à l’huile. Archives de la LMS, SOAS. Après dix-sept années couronnées de succès en Polynésie, le révérend John Williams s’est aventuré en Mélanésie. Il a débarqué dans la baie de Dillon sur l’île d’Erromango dans les Nouvelles-Hébrides en novembre 1839, où il fut soudainement blessé par des fl èches puis battu à mort à la massue. Les chrétiens évangéliques ont considéré cet événement comme le premier martyre dans le Pacifi que. Le « meurtre » de Williams a été illustré dans cette spectaculaire estampe à l’huile réalisée par l’artiste offi ciel de la LMS, George Baxter, qui s’inspire largement d’un tableau de William Hodges représentant le capitaine James Cook, qui avait presque connu le même sort que Williams exactement au même endroit, soixante-quinze ans auparavant. L’équipage de Cook, lui, possédait des mousquets. FIG. 12 : Vue du Museum of the English Missionary Society à Londres illustré dans un stéréoscope pliant. Date et auteur inconnus. Collection privée. Le Missionary Museum a été fondé en 1815. Il abritait les curiosités expédiées par les missionnaires depuis Tahiti, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Au début, il exposait principalement des spécimens d’histoire naturelle, comme des scorpions séchés et une girafe empaillée. Des cargaisons d’« idoles » provenant d’Otaheite (Tahiti) ont commencé à arriver en 1817. Ces idoles constituaient les premiers « trophées du christianisme », la preuve matérielle de la réussite de la mission dans les mers du Sud. La collection a été acquise sous forme de prêt par le British Museum en 1890 puis vendue en 1910 pour la somme de mille livres. Il s’agit de la plus vaste collection polynésienne de la LMS. MUSÉE à la Une


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