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91 capitaine en la personne de James Wilson, recrute à la hâte trente missionnaires et les envoie à Tahiti. Comptant seulement quatre pasteurs ordonnés, le groupe de missionnaires est luimême hétéroclite. Ceux-ci sont pour la plupart issus de la classe des artisans – maçons, charpentiers, fabricants de boucles et de harnais, charrons. Ils n’ont pour ainsi dire aucune formation. Certains sont mariés et quelques-uns ont des enfants. Ils ont pratiquement tous la vingtaine, sont des chrétiens zélés et aucun ne parle le tahitien. L’historien de la LMS Richard Lovett les appelle « cette étrange troupe »2. Ils atteignent Tahiti en 1797. Durant les quinze premières années auquel il se réfère comme « la nuit du labeur3 », ce groupe de missionnaires ne connaîtra que de maigres progrès. Les diffi cultés rencontrées sont nombreuses : guerres, alcoolisme, rivalités, dissensions, défections, « comportements indécents » et même meurtres. Mais ces hommes de foi persévèrent et tirent les leçons de leurs expériences. Le tournant décisif a lieu lorsque le puissant chef tahitien Pomare II rejette l’idolâtrie, même si son but est d’avoir plus de mousquets et de pouvoir. On ne peut sous-estimer la contribution de Pomare à la conversion effective des insulaires. D’après ses termes, « celui qui ose insulter mon dieu Jéhovah, je lui retirerai son rectum et je le ferai sécher au soleil4 ». C’est grâce à ce genre d’incitation et au remarquable enthousiasme des Tahitiens envers la magie de l’écriture, des livres et des cantiques que le christianisme prendra fi nalement racine. Même avant la naissance de la Société, les (futurs) directeurs de la LMS, après avoir vu des expositions d’idoles païennes rapportées par le capitaine Cook, avaient émis l’idée de fonder un musée public qui abriterait les idoles des mers du Sud afi n de démontrer la dépravation païenne régnant dans ces régions. Les missionnaires, eux, pensaient plutôt le contraire. Ils voulaient détruire les idoles afi n de prouver – aux Polynésiens mais aussi à eux-mêmes – que le christianisme allait triompher de l’idolâtrie. Ils considéraient que les idoles devaient « alimenter les fl ammes »5, et les bûchers d’idoles devinrent légendaires. De façon assez surprenante, c’est Pomare II, le « roi » christianisé de Tahiti, qui est le premier à envisager le sujet autrement. Il persuade les missionnaires de ne pas brûler les idoles mais plutôt de les expédier à Londres afi n que les Européens puissent connaître les « dieux ridicules de Tahiti6 ». La plupart des idoles se trouvant dans les FIG. 9 : Appui-tête. Tahiti. L’étiquette indique : « Oreillers, fabriqués avec le bois de l’arbre à pain, Tahite. G Bennet Esq. (Sheffi eld). » Bois. CUM 1907,615. Harmonieusement proportionnés et bien sculptés, les appuis-tête des îles de la Société étaient particuliers sur le plan du traitement des éléments verticaux. Les repose-tête en bois ont cessé d’être utilisés presque aussi rapidement que les herminettes en pierre. Frederick Bennett, qui s’était rendu à Tahiti et Raiatea en tant que scientifi que et chirurgien sur un baleinier, observa qu’au moment de son séjour sur place (1834) « les oreillers en coton n’avaient absolument pas remplacé les anciens oreillers en bois ». FIG. 10 : Récipient en bois. Collecté sur Mangaia, îles Cook du Sud ; probablement fabriqué sur Rarotonga. L’étiquette indique : « Tata ... ou écope utilisée pour vider l’eau des pirogues sur l’île de Mangea ... G . Bennet juillet 1824. » Bois. CUM E1906.136. Malgré les informations sur l’étiquette, les récipients de ce type étaient probablement utilisés dans un contexte alimentaire plutôt qu’en guise d’écopes. Cet exemplaire a été collecté lors du retour de la Délégation en Angleterre via Sydney, au cours de la partie du voyage effectuée à bord de l’Endeavour. Ce voyage parcourut une distance de cent quarante-cinq mille kilomètres et dura huit ans, dont trois furent passés en Polynésie. Les membres de la Délégation, Tyerman et Bennet, expédièrent également vers l’Angleterre un certain nombre d’objets divers ainsi que de nombreux spécimens d’histoire naturelle.


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