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Musée Musée à la Une Cet automne, le Metropolitan Museum of Art présente simultanément deux expositions qui mettent en lumière la richesse et la diversité de la production artistique dans le domaine de la photographie en Afrique. Visible du 31 août 2015 au 3 janvier 2016, In and Out of the Studio: Photographic Portraits from West Africa retrace un siècle d’histoire du portrait photographique en partant des pionniers 82 africains actifs dans les années 1870 pour s’achever sur les travaux plus récents réalisés dans les années 1970 19701. Au moyen d’une sélection de quatre-vingts portraits issus de la collection du Met – photographies, cartes postales, photographies au format carte postale et négatifs originaux –, l’exposition cherche à accroître notre compréhension de l’art du portrait photographique en illustrant la grande variété de ces pratiques à travers l’Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Cameroun, du Mali au Gabon. S’appuyant sur les recherches du Dr Giulia Paoletti, spécialiste de la photographie africaine, In and Out of the Studio présente à la fois des photographes professionnels et amateurs, dont certains sont exposés pour la première Au-dedans et en dehors du studio Portraits photographiques d’Afrique de l’Ouest Par Yaëlle Biro et Giulia Paoletti FIG. 1: Artiste inconnu (Sénégal), portrait d’une femme, c. 1910. Épreuve à la gélatine argentique à partir d’un négatif sur verre, 1975. 16,5 x 11,4 cm. Metropolitan Museum of Art. Don de Susan Mullin Vogel, 2015 L’un des rares négatifs sur verre du début du XXe siècle à avoir survécu au Sénégal jusqu’à aujourd’hui. Si l’identité du photographe est inconnue, ce portrait formel d’une femme élégante est probablement l’oeuvre d’un professionnel. Dans une culture où le corps devait être recouvert de nombreux textiles impeccables, le visage, les mains et les pieds étaient souvent les seules parties du corps visibles. Les mains, en particulier, jouent un rôle prépondérant dans la composition. La gestuelle permet au modèle d’exhiber une grande variété de bijoux : une bague en argent, des bracelets en fi ligrane à chaque poignet, deux colliers, des boucles d’oreilles et des pendentifs en or ornant sa coiffure, d’un type appelé « nguuka » . FIG. 2 : George A. G. et Albert George Lutterodt (Ghana, actifs à partir de 1876), cinq hommes, c. 1880–5. Épreuve argentique sur papier albuminé à partir d’un négatif sur verre. 15,2 x 1,5 cm. Metropolitan Museum of Art. Acquisition, Ross Family Fund Gift, 1999 (1999.184.1). En 1876, George A. G. Lutterodt (1850/5–c. 1904) fonda son studio avec son fi ls, Albert George, à Accra. Avec ses deux frères, il format aux techniques photographiques de nombreux apprentis et propriétaires de studio dans la région. Le tampon original visible au dos de ce rare portrait révèle qu’il a été pris au début de l’activité du studio, en 1880 environ.3 La sophistication de l’arrière-plan combinée à la complexité de la mise en scène, chacun des quatre suivants portant des vêtements différents et exécutant des gestes de la main spécifi ques, renvoie à l’importance du sujet central. fois2. Parmi eux fi gurent des artistes renommés, comme les Maliens Malick Sidibé et Seydou Keïta, mais également des photographes plus anciens et méconnus comme George Augustus Godfrey Lutterodt et Alex A. Acolatse, actifs au Ghana et au Togo au début du siècle dernier. Parcourant leurs pays d’origine, et voyageant parfois par-delà leurs propres frontières, ces photographes ont immortalisé les communautés urbaines et rurales en apportant leur griffe personnelle, que ce soit sur fond de vaste paysage ou dans des décors plus intimistes. Polyvalente et diversifi ée, la photographie a permis aux artistes et à leur clientèle d’exprimer leur conception de la modernité – une notion constamment réévaluée (fi g. 1). Contrairement aux idées reçues, la photographie en Afrique n’était pas l’apanage des Européens. Lorsque cette technique a fait son apparition sur le continent dans les années 1840, les communautés locales se la sont approprié et l’ont adaptée aux codes visuels et aux traditions en vigueur. Dans les années 1880, des photographes d’Afrique de l’Ouest, asiatiques, européens et afro-américains avaient


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