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Arts de Papouasie-Nouvelle-Guinée Par Philippe Peltier 77 aussi et surtout par la faculté des mêmes populations à élaborer des rituels complexes. Pour ces rituels, les objets sont réalisés avec des matériaux souvent inattendus et révèlent une variété typologique infi nie. Cette richesse perçue, le Sepik devient très vite pour celui qui s’y intéresse un lieu fascinant. Pour rendre compte de la densité de ce monde partagé entre ciel et eau, l’exposition présentée au musée du quai Branly (après avoir ouvert au Gropius Bau de Berlin et, sous une forme plus condensée, au Museum Rietberg de Zurich) a choisi de faire découvrir aux visiteurs les rapports étroits entretenus par les habitants de la vallée avec le monde des esprits et des ancêtres. Loin de prétendre couvrir le fl euve en son entier, l’exposition reprend un découpage familier dédié aux régions du Bas (incluant la région de l’embouchure du Ramu et le lac Murik) et du Moyen-Sepik. Les groupes qui peuplent densément cette zone partagent de nombreux traits culturels. Ils sont souvent liés par d’intenses réseaux d’échange de biens mais également d’idées. hiStoire Si la vallée du Sepik est habitée depuis plusieurs milliers d’années par des groupes qui semblent avoir migré à différentes époques, pour l’Occident son histoire commence en 1886 – année qui suit l’annexion de la Nouvelle-Guinée par l’Allemagne –, avec la découverte de l’embouchure du fl euve par le capitaine Eduard Dallman et le naturaliste Otto Finsch. De nombreuses expéditions suivront cette première incursion. Nous ne citerons ici que trois des plus importantes qui furent à l’origine des exceptionnelles collections et documentations des musées allemands. L’expédition de Hambourg parcourut le fl euve durant treize jours en mai 1909 et l’un de ses membres, Otto Reche2, publia en 1913 une étude qui fait toujours référence aujourd’hui. La collection est conservée au musée d’Ethnographie de Hambourg. La deuxième, celle d’Otto Schlaginhaufen3, enrichit les collections du musée d’Ethnographie de Dresde. Vient enfi n, en 1912-1913, l’expédition commanditée par le Musée ethnographique de Berlin. Y participèrent le chimiste et anthropologue Adolf Roesicke, le géographe Walter Behrmann4 dont on trouvera l’extraordinaire carte reproduite dans le catalogue et le juriste et ethnologue Richard Thurnwald5. Hélas Roesicke mourut peu après la Seconde Guerre mondiale et n’a jamais publié ses notes de terrain mais, à l’occasion de l’exposition, son journal de terrain vient d’être publié par Markus Schindlbeck6. Les connaissances plus précises sur les sociétés remontent aux chercheurs qui travaillèrent sur le terrain dans l’entre-deux-guerres. L’étonnant ouvrage de Gregory Bateson consacré à une cérémonie d’inversion des sexes appelée naven7 chez les Iatmul, vaste groupe installé sur le cours moyen du fl euve, demeure moins connu cependant que les travaux menés par Margaret Mead dans cette même région8. La Seconde Guerre mondiale mit un temps d’arrêt à ces recherches de terrain. Cet épisode malheureux et dramatique est un moment important car il voit s’accentuer la transformation des sociétés. La recherche reprendra après la guerre. Citons, entre autres, les travaux d’Anthony Forge9 ou ceux d’Alfred Bühler10, ce dernier constituant une


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