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97 d’intérêt artistique » ; « gravures, estampes et lithographies originales » ; « objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge » ; « découvertes archéologiques » ; ou encore « timbres-poste, timbres fi scaux et analogues, isolés ou en collections ». Si tous les biens que l’on peut rattacher à l’une ou l’autre des catégories visées à la Convention sont des biens culturels au sens de celle-ci, ils ne sont pas tous protégés par elle. Les biens culturels doivent en outre avoir été « désignés par chaque État comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science ». Ce n’est que parce que tel ou tel bien culturel a précisément fait l’objet d’une désignation précise (un classement) conformément à la convention Unesco, qu’il s’en trouve protégé par ses dispositions. L’article 5 de la convention de 1970 impose d’ailleurs que des services ad hoc soient institués par les États afi n notamment d’établir un inventaire national de protection. On comprend bien par exemple que tout timbre-poste (art. 1. k), même s’il est par défi nition un bien culturel selon la convention Unesco, n’est pas ipso facto protégé par ses dispositions, ce qui conduirait à interdire tout envoi postal affranchi. Il ne devient digne de cette protection que s’il a fait l’objet d’un classement (listage) par le pays d’origine signataire de la Convention. Pour être complet, on dira encore que dans l’affaire soumise à la 45e chambre correctionnelle de Bruxelles, le magistrat devait également prendre en compte la réserve relative à la défi nition à apporter à l’expression « biens culturels », formulée par la Belgique au moment de la ratifi cation de la Convention. Suivant cette réserve, en Belgique, « l’expression « biens culturels » doit être interprétée comme se limitant aux objets énumérés à l’annexe du règlement (CEE) n° 3911/92 ainsi qu’à l’annexe de la directive du Conseil n° 93/7/CEE ». Cette défi nition européenne des « biens culturels », qui introduit notamment des seuils fi nanciers applicables à certaines catégories visées, ne remplace évidemment pas la première condition de « listage » par chaque pays des biens jugés importants, mais s’y ajoute. C’est donc à bon droit, selon nous, et faisant une lecture exacte de l’article 1 de la convention Unesco de 1970, que Madame le Président de la 45e chambre correctionnelle du tribunal de première instance francophone de Bruxelles relève que : « Pour qu’un bien soit protégé par la convention de l’Unesco, il ne faut donc pas seulement qu’il relève des catégories visées, mais aussi que l’État concerné ait désigné le bien comme relevant de cette classe de biens culturels inaliénables. » Après avoir constaté que la preuve d’une « telle désignation par l’État de provenance » n’était pas rapportée, le tribunal va prononcer le 30 mars 2015 l’acquittement du commerçant français. Fin de l’aventure. CONCLUSION Si le juriste ne peut que se réjouir de cette occasion qui fut donnée à une juridiction de se prononcer sur l’application de la convention Unesco de 1970 et de rappeler les conditions mises à l’octroi de la protection qu’elle institue, on ne peut que déplorer la méconnaissance de ses dispositions dont ont fait preuve, comme c’est d’ailleurs trop souvent le cas, douanes, police et Ministère public, dont le procureur du roi qui réclamait encore au jour des plaidoiries une condamnation à un an de prison pour des délits inexistants. Par un curieux paradoxe, si la méconnaissance des dispositions de la convention Unesco de 1970 semble quasi générale, ce texte est pourtant régulièrement brandi, non seulement par les pays d’origine des biens culturels revendiqués, mais aussi par les autorités des pays où ils sont entrés en collection. Nombre d’acteurs du monde du commerce de l’art, sans doute échaudés par les risques, la lenteur et le coût des procédures judiciaires, donnent à la Convention une portée qu’elle n’a pas. Ainsi, combien de grandes maisons de ventes exigeront que tel ou tel bien, qui leur est présenté, soit entré en collection avant 1970. Pour certaines catégories de biens, sans le précieux sésame temporel, pas de vente. Si l’on ne peut que saluer la volonté d’« empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels » reprise au titre même de la convention Unesco de 1970, on se doit de rappeler que le commerce des biens culturels est légal et qu’il est même un formidable moyen de communication entre les peuples et, l’actualité le prouve, un outil incomparable de préservation de ce patrimoine commun de l’humanité.


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