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Art & Loi 95 du 14 novembre 1970 : biens culturels classés (listés) Par Yves-Bernard Debie Une précision tout de même, dans la langue des tribunaux, « citation directe » ne veut pas pour autant dire « citation rapide », ou « procédure accélérée ». En l’espèce, entre la saisie des biens litigieux en novembre 2009 et la décision d’acquittement en mars 2015, plus de cinq ans vont s’écouler. D’interminables années durant lesquelles le conseil du commerçant, requalifi é pour la circonstance de « prévenu », va tenter, en vain, d’obtenir un accès au dossier. Dans ces circonstances, la citation en justice fut accueillie comme une délivrance. Les faits reprochés étaient enfi n qualifi és et les motifs de la saisie pénale exposés. Débarrassés du jargon juridique, les faits reprochés sont simples: l’exportation entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2009 de biens protégés par la convention Unesco du 14 novembre 1970 sous une fausse « description » et le blanchiment des sommes retirées de leur vente. Faux et usage de faux passibles de cinq à dix ans de prison, pour ne retenir que cette infraction. Précisons déjà, dès l’abord, que cette qualifi cation de faux en écriture a de quoi étonner lorsqu’on constate à la lecture du dossier répressif que, tant à Madagascar qu’au Guatemala, et alors même que le commerçant français se trouvait en Europe, les biens ont été exportés par des sociétés spécialisées qui les ont vérifi és et emballés, non sans les avoir au préalable présentés aux autorités locales qui ont expressément autorisé leur exportation. Dès lors, comment notre commerçant pouvait-il avoir commis un faux ? Sur le plan pénal, le délit de faux ne pouvait être retenu. BIENS CULTURELS PROTÉGÉS PAR LA CONVENTION UNESCO DE 1970 : DEPUIS QUAND ET LESQUELS ? Au-delà encore de la question du « comment se rend-on coupable d’un faux dans de telles circonstances », plus intéressante encore est la question du « pourquoi voudraiton commettre ce faux » ? En l’espèce, la réponse du Ministère public est connue : les faux auraient été commis pour dissimuler, entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2009, la véritable nature des biens protégés par la convention Unesco du 14 novembre 1970 et ainsi les importer en Europe ! Dont acte , mais les biens litigieux sontils seulement couverts par les dispositions de la convention Unesco de 1970 ? La convention Unesco de 1970 était-elle seulement applicable en Belgique entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2009 ? Des questions si évidentes que le Ministère public ne semble ne pas se les être posées. UNE CONVENTION DEVANT ÊTRE RATIFIÉE À la question de l’application dans le temps de la convention Unesco de 1970, la réponse presque unanime et pourtant totalement fausse est : 1970. « Quelle est la couleur du cheval blanc de Napoléon ? Blanc, évidemment ! ». « Quand est entrée en vigueur la convention Unesco de 1970 ? En 1970, évidemment ! » Eh bien non. L’Unesco est une institution créée le 16 novembre 1945 par l’Organisation des Nations unies pour défendre l’éducation, la science et la culture. Pourtant, aussi noble soit l’institution et ses principes, elle n’a d’autorité que celle que lui reconnaissent les États membres (195 en 2011). Ainsi, une convention ne trouve à s’appliquer dans un État membre que lorsqu’elle a été signée (ratifi ée) par lui, avec ou sans réserve, et que par décision de cet État, elle est entrée en vigueur dans son système juridique. L’article 7 de la convention Unesco vise d’ailleurs expressément les biens sortis illicitement du territoire d’un État membre « après l’entrée en vigueur de celle-ci à l’égard des États en question (…) ». Il faut dès lors que la convention Unesco, qui n’a pas d’effet rétroactif, soit entrée en vigueur à l’égard des deux États en cause. On rappellera, par exemple, que si la convention Unesco de 1970 a été ratifi ée par le Guatemala en 1985, elle ne l’a été par la Belgique que le 31 mars 2009, tout en formulant


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