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Un calendrier des hivers 133 FIG. 13 : Glyphe de l’année 1794-95, « Nous avons passé l’hiver avec des marchands Wasicun ». Wasicun est le premier mot Lakota servant à désigner les Euro-Américains et plus précisément les Français, qui étaient les premiers non- Indiens rencontrés par les Lakotas. Diverses défi nitions ultérieures ont été proposées, souvent à des fi ns politiques, mais l’éminent spécialiste de la langue lakota, le révérend Eugene Buechel, créateur du premier dictionnaire du lakota, pensait que ce terme dérivait de wa (un)–sica (mauvais)–un (utiliser, avoir, porter des vêtements) : « quelqu’un qui s’habille mal ou porte des vêtements trop courts (selon les Indiens) » (Buechel, 1970 : 551). Plus tard, le terme attribué spécifi quement aux Américains blancs fut mila hanska ou « longs couteaux », en raison des épées que portaient les soldats au XIXe siècle (Buechel, 1970 : 336). Quand la France perdit la guerre de Sept Ans qui les opposait aux Indiens en 1763, elle fut chassée d’Amérique du Nord par les Britanniques et les Espagnols victorieux. L’Espagne obtint le territoire de la Louisiane française, qui comprenait les terres natales des Sioux en amont du fl euve Missouri. Les résidents français restèrent néanmoins sur place et les citoyens de premier plan furent engagés par les Espagnols en tant qu’offi ciers responsables du territoire de la « Haute-Louisiane ». Dans les années 1790, des marchands venant du nord de la frontière canadienne envoyèrent des expéditions vers le sud afi n de prendre illégalement le contrôle du commerce des Indiens (également mentionné en 1790–91). Le nouveau lieutenant-gouverneur français de Saint-Louis, Zénon Trudeau, soucieux d’empêcher toute incursion britannique, décida alors de soutenir un consortium d’investisseurs de Saint- Louis qui créèrent une nouvelle activité commerciale. « En 1794, la ... Missouri Trading Company mandata Jean-Baptiste Trudeau afi n qu’il entreprenne une expédition commerciale et d’exploration en amont du Missouri... Trudeau, accompagné de Jacques Clamorgan ... et d’un petit groupe, quitta Saint-Louis le 7 juin 1794, remontant le Missouri à l’aide de pirogues chargées de marchandises. Dans ce qui est aujourd’hui le Dakota du Sud, l’expédition rencontra des Indiens sioux (Dakota, Lakota, Nakota) avec qui ils négocièrent des peaux de castors .... Trudeau et son groupe passèrent l’hiver 1794-95 dans un fort bâti sur le Missouri et revinrent à Saint-Louis à la fi n de l’été 1795 » (Waldmanet Wexler, 2004). Le poste de Trudeau se trouvait « quelque part dans le comté de Charles Mix, Dakota du Sud, un peu plus haut et à l’opposé du Fort Randall (construit plus tard), sur la rive gauche du Missouri. La construction des quartiers d’hiver a commencé le 11 novembre .... L’hiver fut loin d’être agréable ... et Trudeau parvint à négocier quelques fourrures avec les Sioux. » (Nasatir, 1952 : 88). Ce calendrier des hivers indique que les Lakotas avec lesquels Trudeau commerçait étaient des Wajaje. L’expédition Trudeau fut la seule mission commerciale à passer l’hiver sur les terres des Lakotas en 1794- 95. Jacques D’Église, qui travaillait également pour la Missouri Trading Company, passa l’hiver avec deux autres hommes dans le village d’Arikara au bord du fl euve Cheyenne. Considéré comme un invité, ce dernier vécut dans l’une des huttes de terre. Dès lors, il est certain que le poste commercial de Trudeau est bien celui illustré ici. À l’exception d’une copie très rudimentaire sur le Calendrier des Hivers de Rosebud (Greene et Thornton, 2007 : 119), ce glyphe est la seule illustration fondée sur un témoignage oculaire de cet important poste commercial, première incursion dans le territoire Lakota sous le régime espagnol. * Pour les Lakotas, une année pouvait compter entre dix et treize mois. Ces années « longues » présentent la diffi culté de dépasser le calendrier traditionnel de nos sociétés occidentales construit sur douze mois et de se dérouler en conséquence sur deux années. C’est pour cette raison que nous avons systématiquement utilisé deux années calendaires pour identifi er chacun des glyphes présents sur le calendrier des hivers : « 1794-1795 », « 1795-1796 », etc. BIBLIOGRAPHIE Buechel, Rev. Eugene, S. J. (Rev. Paul Manhart, S.J., éd.), 1970. A Dictionary of the Teton Dakota Sioux Language. Pine Ridge, SD : Red Cloud Indian School. Corbusier, William H., 1886. « The Corbusier Winter Counts. » dans Fourth Annual Report of the Bureau of American Ethnology, 1882–83 : 127–147. Washington DC: Government Printing Offi ce. Curtis, Edward S., 1908. The North American Indian, vol. 3 : Teton Sioux, Yanktonai et Assiniboin. Cambridge, MA : University Press. Greene, Candace et Russell Thornton, éds, 2007. The Year the Stars Fell: Lakota Winter Counts at the Smithsonian. Lincoln : University of Nebraska Press. Howard, James Henri, 1976. « Yanktonai Ethnohistory and the John K. Bear Winter Count. » Plains Anthropologist, vol. 21, no 73, 2e partie, mémoire 11 : 1–78. Hyde, George, 1961. Spotted Tail’s Folk: A History of the Brule Sioux. Norman : University of Oklahoma Press. 2e éd., 1974. Mallery, Garrick, 1893. « Picture Writing of the American Indians. » dans Tenth Annual Report of the Bureau of American Ethnology, 1888–89 : 266-328. Washington DC : Government Printing Offi ce. 2e éd., 1972, 2 vol. New York : Dover Books. Nasatir, Abraham P., 1952. Before Lewis and Clark: Documents Illustrating the History of the Missouri, 1785-1804. Norman : University of Oklahoma Press. Paul, R. Eli, 1998. The Nebraska Indian Wars Reader, 1865- 1877. Lincoln : University of Nebraska Press. Sundstrom, Linea, 2006. « History in Pictures: Father Buechel and the Lakota Winter Counts. » Online : www. sfmissionmuseum.org/exhibits/wintercounts/documents/ buechel_winter_counts.pdf Waldman, Carl et Alan Wexler, éds, 2004. « Trudeau, Jean- Baptiste. » dans Encyclopedia of Exploration, vol. I. New York City : Facts on File. FIG. 14 : Glyphe de l’année 1809-10, « Le poste de Petit Castor a été détruit ». « Petit Castor » est le nom que les Lakotas avaient donné au commerçant français Régis Loisel, arrivé chez eux en 1797-98 (Hyde, 1937 : 25). Son poste, une cabane faite de rondins, se trouvait « sur Cedar Island sur le Missouri, plus bas que l’actuelle ville de Chamberlain, dans le Dakota du Sud » (Curtis, 1908 : 169). La bâtisse prit feu et le stock de poudre explosa. Loisel était vraisemblablement marié à une femme Lakota, raison pour laquelle cet événement fut considéré comme « concernant la tribu » et dès lors pertinent pour le calendrier des hivers. L’incident supposa également une perte considérable en munitions pour les Wajaje et les Brûlés. Plusieurs des calendriers des hivers conservés dans la Réserve de Rosebud (Ring Bull et Walking On Sky, voir Sundstrom, 2006) et par conséquent, attribués arbitrairement aux « Brûlés », commencent cette année-là ou l’année précédente. À en juger par les dessins rudimentaires et les matériaux utilisés (papier d’emballage brun, toile), il est évident qu’ils ont été copiés à partir d’un exemplaire plus ancien. Suivant presque exactement tous les événements décrits sur le Calendrier des Hivers Wajaje, beaucoup plus ancien, on peut en déduire que tous ces calendriers provenant de la Réserve de Rosebud sont issus de ce calendrier original.


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