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La statuaire lumbu 115 FIG. 3 : Carte du pays lumbu. © Tribal Art magazine. FIG. 4 : Photo de famille avec femmes à la coiffure en kodia. Archives personnelles. Tous droits réservés. est un Muyaga et le Muyaga est un Mupunu. » Puis, lors de la sédentarisation due à la colonisation au Gabon, dans la province de la Nyanga, les Lumbu cohabitèrent avec les Punu à Tchibanga et au sud, ainsi qu’à la frontière avec la république du Congo à Moulengui-Binza. Ils vivent en symbiose avec les Vili dans les régions de Setté-Cama et de Mayumba et, plus au nord-est, dans quelques villages de l’axe routier Tchibanga-Mayumba. Sur la côte, dans l’Ogooué maritime, les Lumbu, mêlés aux Bavungu, Bavarama et Ngowe, nouèrent d’étroites relations commerciales et matrimoniales avec les Orungu et Nkomi et les peuples de l’intérieur (Eshira, Punu, Tsogho, Kugni, Ndzébi, Tsangui, Téké) ; avec beaucoup d’entre eux, ils partagent cette même culture homogène et continue des Kongo4. Ce mélange de populations – pouvant aller jusqu’à brouiller la notion d’ethnie entendue comme unité – a favorisé l’importance du clan qui, comme l’écrit Pierre-Philippe Rey, « est une unité de référence plus solide et constante que l’ethnie. Les ethnies résultent elles-mêmes de mélanges, ce qui explique qu’on retrouve le même clan dans plusieurs ethnies.5 » Le révérend père Meyer, qui séjourna à Mayumba en 1966, étudia ce système d’alliances chez les Lumbu : il rapporte que, dans cette région de Mayumba, quatre clans sont communs aux deux ethnies vili et lumbu, originaires de l’embouchure du Kouilou (Tchiloango, une localité au Congo), l’une des sept provinces formant le coeur du Loango. Il décrit l’étroite imbrication des clans : « De la rive droite de la lagune Banio jusqu’à la rive gauche de la Nyanga, la terre Baloumbou est commandée par (le clan) Imondo, ainsi que les embouchures de la lagune Banio et de la Nyanga. » Ce clan imondo commun aux Lumbu et Vili, originaire de Tchiloango, correspond au célèbre clan bumwélé chez les Punu. Pour le révérend père Meyer, dans ces objets connurent un âge d’or à la fi n du XVIIIe siècle à Mayumba, lors du déclin du royaume de Loango, puis une rupture dès 1887 due au phénomène d’acculturation induit par la présence coloniale de la France qui entraîna une dégradation des coutumes locales des peuples de la côte. Une continuité de production de certains objets s’est maintenue à l’intérieur des terres du Mayumba, comme en témoigne l’arrivée, jusque dans les années 1960, de statues et de reliquaires collectés dans cette région par les Européens. Notre article s’intéresse à un corpus d’oeuvres présentées dans des collections privées et publiques internationales, datant du XIXe siècle aux années 1960, et qui sont replacées dans leur contexte historique. L’approche comparative et différentielle de la statuaire qui a été adoptée dans cette étude – et qui mêle l’histoire et l’anthropologie de l’art – permet de mieux comprendre la spécifi cité culturelle du style lumbu et son évolution. LES LUMBU DANS LEUR CONTEXTE HISTORIQUE Les Lumbu, Loumbou ou encore Baloumbou (le préfi xe ba- indiquant le pluriel) peuplent la façade maritime (fi g. 3) du Gabon et de l’actuelle République du Congo, de Setté-Cama à Pointe-Noire, et l’intérieur des terres dans la région de Sintoukola et de la frontière gabonaise. Ils appartiennent, avec les Punu, au groupe eshira. Peuple d’origine bantu autrefois intégré au royaume Kongo, puis au royaume de Loango, les Lumbu attestent une proximité socio-culturelle avec les groupes punu, vili, yombe, kugni et partagent avec eux une communauté d’origine et une variante régionale de la tradition kongo. Ils restèrent longtemps avec les Punu avant de se disperser : « Le Lumbu


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