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135 également le groupe de culte du chef auquel ses frères, ses cousins au premier degré et certaines femmes de sa famille appartiennent. Ces derniers se réunissent lors de rites et de célébrations ainsi qu’à l’occasion de la vénération annuelle des esprits de la nature et des ancêtres, entre autres. Par le passé, ses membres étaient les conseillers politiques du chef15. Les fi gures lefem étaient exposées à des fi ns cultuelles. De même, les fi gures-poteau lefem comme celle au coeur de cet article étaient plantées à l’entrée du bosquet sacré afi n de dissuader les intrus d’y pénétrer. La tête qui apparaît sur cet exemplaire a quelque chose de prophétique puisque Conrau perdit sa propre tête lors d’un confl it à la fi n de 1899. Cela dit, ce denier ne pouvait d’aucune façon anticiper ce fâcheux épisode lorsqu’il acquit l’objet. Pour l’heure, l’histoire de cet objet s’achève en grande partie ici, mais grâce aux dessins sommaires de Conrau, nous avons pu le relier à la majorité, sinon à toutes les personnalités majeures qui l’ont détenu à un moment donné. Il se trouvait sans aucun doute à Fontem en 1899, où il fut acquis par Conrau puis envoyé au Völkerkunde Museum de Berlin, avant de faire partie des objets transférés à Speyer. Il est possible qu’il ait circulé quelque temps sur le marché de l’art occidental avant de se retrouver au Potter Museum, étant donné que nous ne savons pas à qui Speyer l’a vendu, ni comment ou quand il a intégré la collection du musée. Il a de nouveau changé de propriétaire l’année dernière lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s et se retrouve une nouvelle fois dans une collection à Berlin, privée cette fois. Créé en tant qu’emblème de culte royal et acquis par Conrau en sa qualité de spécimen anthropologique, ce lefem est devenu un objet d’art à part entière qui est passé de main en main à travers l’Europe. Parmi ses propriétaires successifs à la fi n du XIXe siècle, qu’ils soient Bangwa ou Allemands, personne n’aurait pu lui prédire un tel destin. NOTES 1. Pierre Harter, « Royal Commemorative Figures in the Cameroon Grasslands: Ateu Atsa, a Bangwa Artist », African Arts 23 (4, 1990), p. 70-77, 96. 2. Christraud Geary, « Art in Cameroon: Sculptural Dialogues », dans Marie-Thérèse Brincard (éd.) Constellations, Studies in African Art, vol. 2, p. 11, fi g. 6. 3. Acta / Afrika, vol. 21, lettre de Gustav Conrau, Bangwa, 11 juin 1899. 4. Ibid. Conrau se rapporte à certaines illustrations au FIG. 14 (CI-DESSOUS) : Dos de l’emblème lefem de la fi g. 1. Collection de Javier Peres, Berlin. Photo : Trevor Good, Berlin. FIG. 15 : Détail du dos de la tête de l’emblème lefem de la fi g. 1. À noter, une cassure à l’arrière du cou et l’inscription «4» correspondant à la lettre de Conrau du 11 juin 1899 (fi g. 9). Collection de Javier Peres, Berlin. Photo : Trevor Good, Berlin. moyen de chiffres et d’un questionnaire qu’il emportait avec lui lorsqu’il parcourait l’aire bangwa. Il semble s’agir d’un formulaire d’enquête. Nous savons que von Luschan insistait beaucoup auprès des marchands, agents, employés, planteurs, missionnaires et chercheurs afi n qu’ils expédient des échantillons ethnographiques à la collection anthropologique de Berlin à son adresse. Il donnait des conférences et publiait des « instructions », puis des « lignes directrices » pour collectionner des objets dans des territoires éloignés ou inconnus. 5. Acta / Afrika, vol. 19, correspondance entre Gustav Conrau et Felix von Luschan, 7 avril 1898 (envoyée d’Allemagne) et 14 avril 1898 (réponse vers une adresse allemande). 6. Acta / Afrika, vol. 20, correspondance entre Gustav Conrau et Felix von Luschan, 5 mai 1898, 9 mai 1898 et 3 août 1898. 7. G. Conrau, « Im Lande der Bangwa », dans Freiherr von Danckelman (éd.), Mittheilungen von Forschungsreisenden und Gelehrten aus den Deutschen Schutzgebieten, vol. 12, Berlin, 1899, p. 205. 8. Acta/Afrika, vol. 21, lettre de Gustav Conrau, Victoria, 1er octobre 1899. 9. Acta/Afrika, vol. 22, lettre de Gustav Conrau, Cameroun, 3 septembre 1899. 10. Kurt Krieger, « Abteilung Afrika », dans Hundert Jahre Museum für Völkerkunde Berlin, Berlin 1973. 11. Acta/Afrika, vol. 20, lettre de Felix von Luschan à Gustav Conrau à Berlin, 9 mai 1898. 12. Robert Brain et Adam Pollock, Bangwa Funerary Sculpture, Londres 1971, p. 92, 93. 13. Speyer a reçu ces objets en 1926 et 1929. L’inscription « 212/29 » apparaît à la fois après la reine bangwa et le poteau temakan buibui, ce qui indique probablement qu’ils ont été sortis de l’inventaire le 2 décembre 1929. 14. Walter Potter a souffert d’un AVC invalidant en 1914 et est décédé en 1918, deux périodes antérieures à la date à laquelle Speyer a acquis l’objet, ce qui signifi e qu’il est entré dans la collection du musée à une date inconnue au XXe siècle. 15. Brain et Pollock, op. cit., p. 84 FIG. 13 : Détail du dos du cimier en fi g. 8 avec l’inscription «4» correspondant à la lettre de Conrau du 11 juin 1899 (fi g. 9). Photos : Kevin Conru. De Fontem à Berlin


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