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De Fontem à Berlin 133 Assunganyi la lui donna. Ce geste obligera toutefois Conrau à lui offrir en retour un cadeau d’une valeur équivalente. Conrau envoya la pipe au musée à Berlin, où elle se trouve toujours aujourd’hui. Dans sa lettre du 11 juin 1899 mentionnée ci-dessus, Conrau revient sur sa première impression selon laquelle le fourneau en laiton de la pipe avait été fabriqué dans la région bangwa. De talentueux forgerons étaient actifs dans la région, mais les Bangwa se procuraient des objets en laiton auprès des Bagam. D’après Conrau, seules les perles ornant la pipe auraient été le fruit d’une confection régionale. Il semble dès lors évident que des échanges d’objets de valeur, des « choses de roi » en pidgin, avaient lieu entre les différentes régions de l’arrière-pays camerounais. Les liens d’amitié que Conrau noua par la suite avec Assunganyi lui permirent de collecter des objets importants et sacrés dans l’aire bangwa. L’un d’entre eux est cité explicitement dans la dernière lettre de Conrau à von Luschan, arrivée à Berlin le 25 octobre 18998. Outre les cinq caisses d’artefacts qu’il avait déjà envoyées9, Conrau expédia un colis par la mer, contenant un cimier de danse à tête de Janus recouverte de cuir qu’Assunganyi lui avait donné dans le plus grand secret (fi g. 8). « Aucun de ses pairs n’était censé être au courant de ce cadeau », écrit Conrau dans sa missive à von Luschan. La complicité d’Assunganyi dans cette transaction est édifi ante. Fin politicien, il savait qu’aider Conrau pourrait jouer en sa faveur. L’identifi cation de cet objet est pour le moins compliquée aujourd’hui. La collection de Berlin abrite un cimier à tête de Janus collecté par Conrau chez les Bangwa (inv. III C 10559). Dans les notes le concernant, la colonne dévolue aux « matériaux et techniques » mentionne « bois, peau », mais aucune date de réception n’est précisée. Malgré cette piste, il semble plus probable, voire vraisemblable, que la coiffe à tête de Janus mentionnée dans la lettre ait pris la direction de la collection de Leipzig, qui accueillait une partie des objets excédentaires de Berlin10. En effet, un cimier correspondant à cette description s’y trouve également. D’après ce que l’on sait de l’objet, il aurait été acquis en 1898 dans l’aire bangwa. Étant donné qu’à cette époque, seul Conrau collectait des objets anthropologiques dans cette région, cette pièce ne peut que venir de lui. Par ailleurs, Assunganyi tentait toujours de s’attirer les bonnes grâces de Conrau à cette période qui marque le début de son séjour dans la région (une situation qui changea considérablement par la suite). Cette date correspond dès lors aux circonstances que décrit Conrau à von Luschan11. Les recherches de terrain ont permis d’en savoir davantage sur les fi gures et les masques bangwa que Cornau rassembla sous le nom de « fétiches ». Assunganyi s’est probablement procuré le cimier à tête de Janus recouvert de cuir dans l’aire ejagham / ekoi. Celui-ci se distingue nettement des deux autres cimiers collectés par Conrau (fi g. 11), qui, malgré de fortes infl uences propres au style artistique de la Cross River, ont été confectionnés dans un atelier local. Les trois cimiers peuvent être considérés comme des adaptations locales d’une association cultuelle ejagham / ekoi, en l’occurrence la société des guerriers nkpwe. Ils étaient portés principalement pendant les danses, au cours desquelles le danseur portait également un panier-crâne sur le dos et une cape ou FIG. 7 : Pipe du fon Assunganyi. Bangwa, Cameroun. XIXe siècle. Laiton, bois, perles, cuir et clochettes. Collectée par Gustav Conrau, 1898. Museum für Völkerkunde, Berlin, inv. III C 9814a, b. Fig. 8 : Cimier de la société de guerriers nkpwe. Ekoi/Ejagham, Nigeria. XIXe siècle. Probablement collecté par Gustav Conrau, qui l’obtint d’Assunganyi à Fontem, 1898. Bois, cuir et fi bres. H. 34 : cm. Museum für Völkerkunde, Leipzig, inv. MAf 5539.


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