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James Edward Little 123 blait satisfait6. William Oldman, le plus grand marchand d’art tribal de l’époque (fi g. 7), ne put en dire autant. Il renvoya d’ailleurs de prétendus artefacts maoris à Little en 1905 car ils lui semblaient douteux7. L’année suivante, Oldman rendit également une tête de harpon qu’il considérait comme « un travail de matelot ». En dépit de ces diffi cultés, Oldman semblait pourtant prêt à conserver des relations professionnelles avec Little, comme en témoignent ses registres de 1905 mentionnant des arcs, des fl èches, des épées et des boucliers achetés à Little. Il lui acheta également une quantité appréciable d’objets africains entre 1903 et 1905. Les registres comptables de Harry Beasley8 (fi g. 8) mentionnent Little pour la première fois le 16 novembre 1906. Ce jour-là, à Taunton, une ville où Little séjournait en compagnie de sa maîtresse située à quelque quatre-vingts kilomètres au nord de Torquay9, Beasley lui achète deux hameçons et une ceinture décorative hawaïenne dotée de cent quatre-vingt-trois dents sculptées. Deux mois plus tard, il achète un tiki en os qu’il renvoie car il le juge moderne, et un an après, trois autres hameçons (faits de coquillage et de bois dans la veine maorie) dans les environs de Bristol. Concernant le troisième d’entre eux, Beasley ajoute « faux », mais nous ignorons à quel moment. Dans son article consacré aux contrefaçons publié dans Man10 en 1910, Oldman ne cite pas explicitement Little, mais son cas dut être évoqué avant le 16 novembre de cette année-là, date à laquelle Beasley rapporta à Oldman des objets maoris achetés à Little car il estimait qu’il s’agissait de faux. Une collection en particulier met en lumière le style de sculpture de Little. William Henry Skinner, (fi g. 9) géomètre, historien et membre fondateur de la Polynesian Society, arriva à Londres en 1908 en provenance de Nouvelle-Zélande et acheta plusieurs artefacts à Little. Leurs relations commerciales se poursuivirent par courrier. Aujourd’hui, la collection de Skinner est abritée au Puke Ariki Museum de sa ville natale New Plymouth, en Nouvelle-Zélande. Malheureusement, le journal de Skinner relatant sa visite à Londres ne fut pas retrouvé et nous ne savons donc pas avec précision ce qu’il acheta à Little, ni ce qu’il pensait de lui. Parmi les nombreux objets maoris authentiques de la collection Skinner qui peuvent être vaguement associés à Little fi gurent trois hei tiki qui viennent incontestablement de lui, comme l’atteste la note du Puke Ariki Museum : « Dons de W. H. Skinner. Achetés au marchand et faussaire anglais Edward Little. » (fi g. 10 et 11). Néanmoins, la collection abrite également deux fi gures debout, deux boîtes à couvercle et un entonnoir (fi g. 12, 13, 15 et 16) manifestement créés par le même auteur, mais certainement pas d’origine maorie. Les volutes qui y sont sculptées ont un aspect étrange, comme s’il s’agissait d’appliques de spaghetti trop cuits, et la patine est d’un noir profond. Tous ces objets présentent la même technique caractéristique et peuvent être considérés comme les éléments « clés » du travail de Little à partir desquels nous pouvons émettre certaines hypothèses quant à d’autres objets dont il pourrait être l’auteur11. En 1914, sans doute après avoir découvert l’étendue des manoeuvres douteuses de Little, Skinner l’informe par courrier qu’il souhaite mettre fi n à leurs relations commerciales. Toutefois, Little n’a visiblement pas l’intention d’accepter. Il envoie plusieurs lettres à Skinner, dont l’une rédigée en 1915 depuis Salonique où il est posté comme soldat12, mais il n’existe pas de preuves concernant des acquisitions ultérieures, à l’exception d’un mutu kaka (perchoir à perroquet) et d’une herminette achetés en 1919. D’autres objets abrités au Puke Ariki proviennent du célèbre marchand et collectionneur Ken Webster. L’anthropologue Robin Watt de Wellington, qui a étudié en détail le travail de Little, pense que certains pourraient avoir été sculptés intégralement par Little ou du moins ornés par lui. FIG. 10 (À DROITE) : Hei tiki. Maori, Nouvelle- Zélande. XIXe siècle. Pounamu, coquillage paua et muka. Collection W.H. Skinner, Puke Ariki Museum, New Plymouth, A77.294. La légende donnée par le musée indique « don de W.H. Skinner. Acquis auprès du marchand et faussaire anglais Edward Little ». FIG. 11 (À GAUCHE) : Hei tiki. Maori, Nouvelle- Zélande. XIXe siècle. Pounamu et coquillage paua. Collection W.H. Skinner, Puke Ariki Museum, New Plymouth, A77.290. La légende donnée par le musée indique « don de W. H. Skinner. Acquis auprès du marchand et faussaire anglais Edward Little ». FIG. 8 : H. G. Beasley (1881–1939). Photographe inconnu. Extrait de Ethnologia Cranmorensis, 1939. FIG. 9 : William Skinner. Vers 1917. Photographe inconnu. Extrait de Sir Charles Fleming, Portfolio of Royal Society Members. Alexander Turnbull Library, ref. 1/2- 055714; F.


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