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99 de terrain. Ces derniers ne séjournaient parfois sur place que peu de temps, ce qui explique que leurs acquisitions aient pu être limitées. Par contre, d’autres personnes, souvent des anthropologues d’ailleurs, travaillaient au même endroit suffisamment longtemps pour stimuler l’apparition de micro-industries. Ils revenaient chargés d’objets de facture très semblable. Enfin, il y avait encore d’autres individus plus chanceux ou qui faisaient preuve d’un goût plus sûr. L’Australian Museum de Sydney possède un petit groupe d’objets remarquables provenant de la région de Murik Lakes rassemblés par l’anthropologue Pierre Ledoux1, qui, sur l’insistance de Margaret Mead, quitta Harvard pour Murik Lakes en 1935 et y séjourna pendant six mois. Les objets collectionnés par Ledoux1 témoignent qu’il savait déceler les pièces de qualité de la communauté qu’il étudiait. Un exemple particulièrement remarquable est la surprenante figure kandimbong (fig. 1), personnification d’un fondateur de clan défunt, patinée pendant des décennies et qui, de manière assez inhabituelle, conserve encore ses décorations d’origine, y compris les cheveux formant la barbe et la houppe. Durant l’époque coloniale allemande (1884-1914), rares furent les expéditions scientifiques non allemandes se rendant dans la région du Sepik. Par conséquent, très peu d’objets intégrèrent les collections des musées australiens pendant cette période. La plupart des objets les plus anciens présentés dans Myth & Magic ont été collectés par l’Australian Naval and Military Expeditionary Force (AN&MEF), un contingent de quelque deux mille hommes envoyés en Nouvelle-Guinée au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Réagissant à une rumeur selon laquelle le haut commandement de la flotte allemande avait dissimulé des navires de guerre en amont du fleuve, l’Australie mena une expédition dans la région du Sepik. Les hommes ne trouvèrent aucun bastion ni navire de guerre. En revanche, ils tombèrent sur le campement de l’anthropologue autrichien Richard Thurnwald et en profitèrent pour détruire ses photos et saisir ses notes2. Au lendemain de cet événement, les missions de l’AN&MEF dans la région du Sepik se limitèrent à quelques expéditions punitives en réaction à des signalements de chasseurs de têtes. Parmi les oeuvres exposées, les objets acquis à cette époque ne sont pas ceux dont la date de collecte est la plus ancienne. En effet, un masque mai iatmul (fig. 4) avait été acquis en 1909 par le capitaine Friedrich Haug de la société de Nouvelle-Guinée allemande Siar – un nom bien connu de tout amateur d’art ancien de la région du Sepik. Un bouchon sculpté de flûte wusear provenant du fleuve Yuat est encore plus ancien : il intégra la collection du Museum Victoria en 1891 et fut acquise par le révérend R. Heath Art du Sepik FIG. 7 : Figure de gardien paki. Village d’Audua, fleuve Yuat, province du Sepik oriental, Papouasie-Nouvelle-Guinée. Début du XXe siècle. Collectée par E. J. Wauchope, 1935-1938. Bois, ocre, peinture, coquillages, clous en fer, fibre et cheveux. H. : 100 cm. Australian Museum, E.46361. Photo : Stuart Humphreys. Les paki, sculptures de faîtage de maisons cérémonielles, sont conçus pour être fixés à des poteaux ou des poutres de toit. Toutefois, aucun des exemplaires de l’exposition ne revêt une patine marquée par les conditions climatiques propres à un environnement tropical comme celui-là. Les villages bordant le Yuat étaient petits et il semble n’exister aucun document attestant la présence de maisons de cérémonie. Il est possible que ces figures n’aient été exposées qu’à de rares occasions, sur le toit d’une maison de cérémonie temporaire.


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