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PERSONNALITÉ 142 T. A. M. : À en juger par les marchands avec lesquels vous travaillez, vous avez certainement dû vous voir proposer plus de chefs-d’oeuvre que la plupart des collectionneurs. Qu’est-ce qui vous attire réellement dans une oeuvre d’art ? R. S. : J’apprécie tellement de styles différents qu’il est difficile de sortir un seul élément. Je me souviens d’une rencontre avec André Fourquet, chez lui à Paris, il y a plusieurs dizaines d’années. Il a toujours aimé recevoir des Américains chez lui car, disait-il, nous « avons sauvé la France pendant la guerre ». Je ne sais plus exactement quel objet nous étions en train d’examiner, mais je me souviens avoir dit que d’habitude je n’aimais pas les objets issus de cette culture en particulier, mais que j’appréciais bel et bien le sien. Il m’a répondu : « Il en existe évidemment qui sont de véritables chefs-d’oeuvre, sinon les gens ne les auraient pas créés. » Je suppose que c’est cet objetlà que je recherche continuellement. T. A. M. : Y a-t-il une acquisition qui a été particulièrement satisfaisante ? Et existe-t-il, inversement, un objet important vous ayant échappé ? R. S. : J’aurais du mal à ne retenir qu’un objet. Chacun a sa propre histoire : comment je l’ai découvert, payé, apprécié, etc. Quant à ceux qui m’ont échappé, ils ont bien sûr été nombreux. Cela dit, je sais toujours qu’il y aura une nouvelle aventure et je préfère en général aller de l’avant plutôt que de regarder en arrière. T. A. M. : Dans quelle mesure la fonction première d’une sculpture influence-t-elle la façon dont vous la percevez ? Vous intéressez-vous aux aspects anthropologiques d’une oeuvre, à son apparence formelle, ou aux deux ? R. S. : Je suis avant tout attiré par les qualités esthétiques de la sculpture. J’aime toutefois comprendre la dimension anthropologique des objets : comment ils étaient utilisés et quelle était leur signification au sein de la société dont ils provenaient. Très souvent, ces objets sont vraiment les derniers vestiges de tant de cultures brillantes et intéressantes. Évidemment, comprendre le contexte d’utilisation des objets peut se révéler très important pour cerner les différences entre un objet authentique et un objet fabriqué pour ressembler à l’original, sans y parvenir. T. A. M. : Vous collectionnez de l’art africain depuis longtemps maintenant et vous avez eu accès à des pièces chaque fois plus importantes. Dans quelle mesure le marché de l’art africain a-t-il changé selon vous ? R. S. : Le marché a évolué à de nombreux égards. Le changement le plus évident, bien sûr, c’est que les prix ont flambé au cours des décennies durant lesquelles j’ai été


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