Page 143

Layout1

141 pour l’opportunité de vivre avec ces objets. Depuis lors, ma femme Sue et moi sommes retournés maintes fois en Afrique, toujours pour y admirer la vie sauvage. J’ai collectionné l’Océanie pendant un moment, mais j’ai finalement décidé de me consacrer uniquement à l’Afrique et plus particulièrement à la statuaire, car cela constitue un cadre au sein duquel je peux travailler confortablement. T. A. M. : Dans l’art africain, vous avez rassemblé une grande variété de styles émanant de très nombreuses cultures, mais on ne trouve que très peu de doublons. Sur quels critères vous basez-vous pour sélectionner les oeuvres que vous achetez ? R. S. : Lors de mes premières lectures sur l’art africain, j’ai été fasciné par l’incroyable diversité des cultures et des styles à travers le continent. Donc plutôt que de me focaliser sur un pays en particulier, dont les frontières ne sont généralement que le reflet d’une vision occidentale arbitraire, ou sur quelques groupes spécifiques, j’ai décidé d’essayer d’exprimer cette diversité dans ma collection. Mon objectif consistait à posséder un bel exemplaire issu du plus grand nombre de peuples possible. Il me manque encore des objets provenant de nombreux groupes et reflétant de nombreux styles différents, essentiellement parce qu’ils sont rares et difficiles à trouver. Quand des amis viennent nous rendre visite, je fais généralement une petite plaisanterie à ma femme. Alors qu’on discute d’art, je fais en sorte que mes invités remarquent dans la collection des lacunes majeures, histoire de montrer à Sue que la collection doit grandir encore. En ce qui concerne ma décision d’acquérir un objet ou non, le principal facteur est qu’il doit s’agir d’un objet que j’aime. Il m’a fallu du temps pour aiguiser mon regard et comprendre ce qui me touchait réellement. Certains des premiers objets que j’ai achetés me plaisaient à l’époque, mais le fait de vivre avec eux a quelque peu terni leur éclat. Pour moi, un objet de qualité est un objet que je peux admirer tous les jours pendant des années. En le regardant, je ne peux m’empêcher de hocher la tête en réalisant à quel point il est merveilleux. J’ai également étudié les formidables chefs-d’oeuvre d’art africain dans des livres, des musées et d’autres collections. J’ai passé un nombre incalculable d’heures sur le site web des archives de Yale à regarder énormément d’objets créés par d’innombrables auteurs. Je dois avoir le sentiment que l’objet que j’achète se démarque clairement des autres objets issus de cette culture. T. A. M. : Comment qualifieriez-vous vos rapports avec les marchands ? R. S. : Ils sont généralement positifs. Je suis même devenu très proche de certains d’entre eux. Après avoir lu de nombreux livres qui présentaient l’art africain dans le contexte de l’esthétique de ceux qui le créaient à leurs propres fins – ce que j’appellerais l’art véritable ou authentique –, j’ai décidé de collectionner ces objets. J’ai fait la connaissance du marchand de San Francisco James Willis, qui vit non loin de chez moi, et il m’a orienté dans la bonne direction. Jim et son épouse Lin font encore partie de mes amis aujourd’hui. J’ai ensuite rencontré bon nombre de marchands européens, dont beaucoup sont désormais des amis également. Certains d’entre eux m’ont été d’une grande aide. Par exemple, à l’époque où j’étais professeur à Stanford, j’achetais souvent un objet à Alain de Monbrison. Mon salaire ne me permettait pas de payer en une fois, donc je lui envoyais des chèques à Paris par courrier postal. Il me fallait parfois plus d’un an pour payer un objet. Alain ne m’en a jamais tenu rigueur. Il n’a même jamais conservé le moindre registre de l’argent que je lui devais ! PAGE DE GAUCHE FIG. 1 : Figure debout. Djimini, Côte d’Ivoire. Bois. H. : 50 cm. Ex Alain de Monbrison, Paris. FIG. 2 : Figure féminine. Sénoufo, Côte d’Ivoire. Bois. H. : 55 cm. Collectée sur le terrain par un administrateur français dans la première partie du XXe siècle. Ex Alain de Monbrison, Paris ; Christine Valluet/Yann Ferrandin, Paris. FIG. 3 : Portrait de Richard Scheller. FIG. 4 (CI-DESSUS) : Cimier ogbom. Eket, Nigeria. Bois. H. : 68 cm. Collecté par Bernard Muhlack, vers 1968. Ex Pierre Dartevelle, Bruxelles ; Bernard de Grunne, Bruxelles. FIG. 5 (À GAUCHE) : Figure. Chamba, Nigeria. Bois. H. : 45 cm. Ex Pierre Dartevelle, Bruxelles (acquise à Jalingo, Nigeria, en 1968). L’archive photographique de Martial Bronsin montre la figure avec un épi de maïs sous le bras droit à l’époque où elle a été collectée.


Layout1
To see the actual publication please follow the link above