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133 présence de dendrites, par exemple, est caractéristique d’un objet créé par une technique de fonte (fig. 1). Des inclusions aplaties et alignées seront le témoignage d’un travail de martelage. Si l’alignement est trop parfait, il correspond à un procédé moderne de laminage (fig. 2). L’examen de la structure interne peut donc révéler des indices technologiques et, par extension, contribuer à permettre de mieux cerner la période de création de l’oeuvre en question. Il en va de même de l’analyse de la composition d’un alliage. En effet, l’étude des concentrations en cuivre, étain, zinc, plomb, etc., si elle n’est pas suffisante pour déterminer l’ancienneté d’un objet, peut s’avérer très utile pour établir sa modernité. L’exemple des laitons du Royaume de Bénin est, à ce propos, très instructif. Bien que souvent désignés sous le terme de « bronzes », il s’agit de toute évidence d’objets en laiton puisque ces oeuvres ont été créées à partir d’un alliage de cuivre et de zinc. Au cours du temps, la teneur de ces éléments a fortement évolué. En ce qui concerne le zinc, celle-ci a augmenté de 2 à 30% entre les XVIIe et XIXe siècles, alors que celle de l’étain a diminué de 6 à 0%. La proportion en éléments traces (élément présents en très faible quantité, de l’ordre de 0,01%) a également changé. Pour ne citer qu’un exemple, la quantité d’antimoine a été divisée par cinq au cours de cette période. Rappelons-le, ce type d’analyse ne peut nullement être considéré comme une méthode de datation ; aussi convient-il d’éviter absolument les raccourcis qui concluraient par exemple qu’un objet contenant 10% de zinc et 2% d’étain peut être considéré de manière formelle comme étant du XVIIe siècle. Toutefois, ces limites ne remettent pas en question le potentiel des résultats de l’examen de la composition des métaux pour l’établissement de repères chronologiques. Si le zinc ne constitue pas un facteur chronologique précis, la présence d’aluminium, de phosphore, de chrome ou de manganèse (à partir de 0,2 à 0,3%) demeure un indice formel de modernité. Certes ces éléments sont naturels et ont toujours été disponibles sur la planète, mais leur utilisation raisonnée et volontaire dans la fabrication d’alliages métalliques ne date que de la fin du XIXe siècle, voire même du début du XXe siècle pour le phosphore. En effet, si l’on se réfère aux travaux publiés par la communauté scientifique internationale que nous avons pu consulter, ces éléments n’ont jamais été décelés dans des métaux anciens, si ce n’est à l’état de traces (de l’ordre de 0,01%). À tous ceux – de toute évidence des non scientifiques – qui prétendent que l’aluminium correspond à une pollution venue du noyau de fonte, nous serions tentés de rappeler qu’une pollution forme L’analyse du métal des inclusions distinctes du métal, car elles ne sont pas totalement dissoutes, et que, par ailleurs, l’aluminium n’est jamais seul dans le noyau de fonte. Ce dernier est en effet toujours associé à d’autres éléments : le silicium dans la kaolinite ; le sodium, le potassium ou le calcium dans les feldspaths. Aussi, si l’on détecte 0,5% d’aluminium dans un laiton, on devrait également détecter du silicium, pour qu’il s’agisse d’une pollution provenant du noyau. Et pourtant, ce n’est jamais le cas ! Ce qui revient à affirmer que la présence d’aluminium correspond donc à l’utilisation de métaux modernes. Le même raisonnement vaut pour le phosphore, le manganèse ou le chrome, par exemple. L’EXAMEN DE LA CORROSION OU PATINE L’ultime étape de la caractérisation d’un objet métallique est l’analyse de sa corrosion. On parle généralement de patine. Alors que ce terme sous-entend une approche de la surface, l’étude de la corrosion s’intéresse à la nature des produits de corrosion superficiels (la patine à proprement parler), mais également au développement des processus de corrosion à l’intérieur de l’alliage. Pourquoi l’étude de la patine nous renseigne-t-elle sur l’ancienneté d’un objet ? Un alliage de cuivre ou d’argent vieux de plusieurs centaines d’années aura subi de nombreuses attaques de l’environnement : l’humidité, la variation de température, le développement de micro-organismes... Ces éléments vont entraîner la dégradation du métal dont l’analyse peut livrer des indices sur l’ancienneté ou la modernité de l’objet. Parmi les signes les plus caractéristiques d’une corrosion d’origine naturelle, développée sur plusieurs siècles – et pouvant être compatible avec l’époque présumée de l’oeuvre – nous pouvons citer par exemple une altération profonde du métal (fig. 3), une dégradation préférentielle des zones riches en cuivre – qui sont les plus fragiles –, des produits de corrosion multiples (cuprite, azurite, malachite, atacamite, nantokite, oxyde d’étain, etc.) (fig. 4), une association de sédiments, ou encore l’absence de chlore ou de soufre récurrent. Par contre, si la corrosion demeure très superficielle et parallèle à la surface de l’objet, si le métal est attaqué de manière homogène, si l’on détecte du chlore dans tous les produits de corrosion, on pourra établir que l’altération est artificielle et moderne. Ce sera une fausse patine (fig. 5). Enfin, il est important de préciser que même si un objet a été fortement nettoyé et que sa patine a été enlevée, l’étude en microscopie reste possible. En effet, les processus de corrosion pénètrent la matière et laissent des indices que même une abrasion violente ne supprime pas (fig. 6). FIG. B : Personnage debout. Gan, Burkina Faso/Nord Ghana, Alliage de cuivre, XVIIIe siècle ou avant, H. : 39,5 cm. Pace Primitive, New York. © Pace Primitive, New York. Photo : Oren Eckhaus. Les analyses ont montré qu’il s’agissait d’un cuivre arsénié naturellement corrodé.


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