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ART et science 134 le Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l’Altération du CEA de Saclay, ARCANE de Gradignan et le Centre d’Innovation et de Recherche pour l’Analyse et le Marquage de Martillac – ont initié des recherches permettant de développer des techniques d’authentification et de datation du fer et de l’or. Bien qu’elles ne soient encore qu’expérimentales, elles n’en demeurent pas moins fiables. Seule leur précision laisse encore à désirer. LES NOUVEAUX FAUX Les faussaires lisant davantage de publications scientifiques que l’on pourrait imaginer, ils ont fort malheureusement sophistiqué leurs méthodes. Conscients que l’étude de la corrosion devenait un facteur prépondérant dans l’analyse d’une oeuvre, certains se sont employés à créer des faux mêlant des morceaux anciens et des parties modernes (fig. 7). Pour identifier ces montages, il est nécessaire de radiographier les objets, afin de pouvoir préciser s’ils ont été seulement restaurés ou s’ils résultent d’un assemblage. LE TEST DIT DU PLOMB 210 Depuis plus de vingt ans, on utilise les isotopes du plomb pour la sériation et la datation des métaux cuivreux. La mesure de l’isotope 210 du plomb (210Pb) permet d’extraire des informations chronologiques, car sa concentration diminue de moitié tous les 22,3 ans (période de demi-vie). Il est généralement admis qu’après 220 ans environ, on ne détecte plus de 210Pb dans un bronze. Sa présence sera donc consi- LES CAS EXTRÊMES Comme nous l’avons montré, l’étude de la corrosion fournit des informations concluantes sur la chronologie d’objets réalisés dans différents alliages métalliques – dont des alliages d’argent sur lesquels nous ne nous sommes pas attardés dans le cadre de cet article –, mais cela n’est pas le cas pour tous les métaux. Le fer, en l’occurrence, met en évidence les limites de notre investigation. Les raisons à cela sont multiples. Tout d’abord, il faut préciser que le fer se corrode très rapidement et que ses produits de corrosion correspondent uniquement à des oxydes et hydroxydes de fer (la rouille). Il sera donc compliqué de différencier un fer vieux de deux cents ans d’un faux enfoui dans la terre depuis quelques années seulement. Cela est d’autant plus difficile qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des acides pour attaquer du fer, l’humidité naturelle d’un sol suffit. Dans ce cas, on devra se limiter à l’étude du métal sain et principalement à la nature des inclusions ou impuretés internes. Par exemple, la présence de sulfure de manganèse indiquera une métallurgie moderne ou, au mieux, de la moitié du XIXe, période à laquelle le manganèse a commencé à être utilisé pour éliminer le soufre présent dans le minerai de fer. À l’inverse, les alliages d’or se corrodent très peu. Aussi devrons-nous adapter nos méthodes de recherche pour établir l’ancienneté ou la modernité d’objets en or, mais ce métal est si complexe qu’il mériterait à lui seul un article. Restons-en ici à dire que, depuis quelques années, quelques laboratoires universitaires et privés – dont le Physics Institute de l’Université de Bern, Certaines idées reçues nuisent à la bonne évaluation d’une oeuvre en métal. Nous proposons ici d’en revoir les principales. On peut trouver de l’aluminium dans un bronze ancien ! Si on suspecte la présence de bauxite (minerai naturel d’aluminium et de fer) dans le noyau d’une oeuvre présumée ancienne et qu’il y a eu diffusion dans le bronze, on devrait détecter des inclusions de fer et d’aluminium. Donc si l’analyse ne met en évidence que de l’aluminium dans le métal, cela implique, de toute évidence, que l’objet date au mieux de la fin du XIXe siècle. Voir l’exemple de la plaque du Bénin en fig. D. Le nettoyage enlève la patine et l’analyse est donc impossible ! Non. Même si les produits de corrosion (la patine) ont été éliminés, la corrosion naturelle a pénétré à l’intérieur du métal et on pourra toujours définir le degré de corrosion du métal et observer des faciès caractéristiques : inter-granulaire, transgranulaire, réseaux de microfissures, cuivre redéposé... La cuprite sur un bronze est une preuve d’ancienneté ! Malheureusement non. Les techniques des faussaires ont évolué et ils sont capables de créer artificiellement de la cuprite rouge, de la malachite verte et de l’azurite bleue. Une analyse de surface n’est donc pas suffisante pour se prononcer sur l’ancienneté d’un objet en métal. Seule une investigation complète par microscopie électronique permettra de trancher.


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