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Potentiel et limites de la micro-analyse pour les alliages cuivreux Le métal est un matériau certes moins répandu que le bois dans les arts premiers, mais il n’en reste pas moins un vecteur incontournable des mythes, des croyances et des coutumes de nombreuses sociétés traditionnelles, 132 notamment en Afrique où l’usage du bronze est avéré depuis 4500 ans. Il est d’autant plus intéressant et intrigant pour le physicien et le chimiste qu’il est multiple, changeant et quasiment impossible à dater. On ne peut d’ailleurs pas vraiment parler de métal en général, tant il y a de différences entre un bronze (alliage de cuivre et d’étain), un laiton (alliage de cuivre et de zinc), une fonte de fer, un argent ou de l’or. Dans un souci de précision, il conviendrait mieux encore de parler de bronzes riches en étain, de cuivres arséniés, ou de tumbaga (alliages d’or riches en cuivre utilisés dans l’art précolombien) ! Mais c’est surtout pour le responsable de collection et pour l’amateur que l’analyse du métal peut s’avérer le plus passionnant. En effet, un examen rigoureux de ce matériau est une source d’informations très précieuses pour appréhender la nature d’un objet, sa technique de fabrication, mais aussi pour contribuer à identifier une provenance et une chronologie. Cet article présentera les techniques d’analyse utilisées pour l’étude des alliages de cuivre, le type d’informations qui en découlent, mais également leurs limites. QUELLES TECHNIQUES D’ANALYSE POUR LE MÉTAL ? La méthode de la datation au carbone 14 est l’une des techniques d’analyse qui vient le plus souvent à l’esprit des amateurs quand il est question d’art et de science. Quand bien même l’analyse du carbone 14 s’avère très efficace sur des oeuvres en bois, textile ou autres matériaux organiques, elle est totalement inadaptée à l’étude du métal, à une exception près exposée dans l’encadré “idées reçues”. Pour ce qui est de l’autre technique très connue - la thermoluminescence (TL) – celle-ci permettra, dans certains cas précis, d’apporter des informations chronologiques, mais il faudra une grande maîtrise et une connaissance théorique de la méthode pour ne pas se fourvoyer dans les méandres de la physique nucléaire. La plupart des acteurs du marché de l’art connaissent et utilisent la TL. Comme aucune technique scientifique n’est universelle, la TL sera utilisable exclusivement pour les objets métalliques qui contiennent encore leur noyau de fonte en argile, comme cela est souvent le cas pour les oeuvres réalisées à la cire perdue par exemple (fig. A). Afin d’obtenir des résultats scientifiquement indiscutables, on étudiera par ce biais uniquement des formes fermées pour lesquelles le noyau n’a vraisemblablement pas pu être pollué ou intentionnellement inséré. Ainsi, l’on comprend que la pratique seule d’un test TL sur une plaque du royaume de Bénin ou une tête creuse relève de l’hérésie, pour la simple raison que le noyau aura vraisemblablement été pollué, rendant une fois sur deux les résultats de TL inexploitables. Par ailleurs, le mélange d’un noyau moderne avec de l’argile non cuite peut fournir une date ancienne pour un oeil non aguerri. C’est pourquoi on envisagera la TL uniquement en complément de l’analyse de la composition et de la corrosion. Ce dernier type d’étude est, à tous égards, l’approche la plus pertinente et dont les résultats sont les plus probants. L’analyse de la composition chimique d’un objet en métal, ainsi que celle de sa corrosion (ou patine) sont réalisées en microscopie optique (image en couleur) et en microscopie électronique à balayage, ou MEB (image en contraste chimique et analyse des éléments). Ces études seront réalisées sur un petit échantillon de matière de quelques millimètres, prélevé à l’aide d’une scie de bijoutier. CE QUE LA COMPOSITION D’UN OBJET MÉTALLIQUE PEUT DIRE Les premières informations importantes que nous livre l’examen par microscopie concernent la microstructure de l’objet. Une bonne compréhension de celle-ci peut apporter des indices notables sur les techniques de fabrication. La FIG. A : Sceptre au coq. Nigeria, Culture Ifé (XIIe – XVIe siècle), H. : 65 cm. Ancienne collection Bernard Dulon. Les analyses ont montré que le manche est en fer recouvert de bronze, le coq est un bronze riche en étain (fonte à la cire perdue). La TL sur le noyau de fonte donne une date approchée à 525 ± 25 ans. PAGE SUIVANTE : FIG. 1 : Coupe vue au microscope électronique à balayage (électrons rétrodiffusés, x 500) d’un bronze chinois de la dynastie Zhou riche en étain. Cette vue montre la microstructure caractéristique d’une fonte. Les zones sombres sont plus riches en cuivre, alors que les zones claires sont plus riches en étain. On remarque des inclusions de sulfure de cuivre en forme de trèfle. FIG. 2 : Coupe vue au microscope électronique à balayage (électrons rétrodiffusés, x 500) d’une oeuvre faite d’un alliage d’argent et de cuivre. La parfaite orientation des inclusions de cuivre (noir) indique que le métal a été laminé. ART et science L’analyse du métal dans l’art tribal Par Olivier Bobin et Richard Chéret


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