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HISTOIRE d’objet 144 coiffe du personnage dessiné et celle d’un guerrier de la peau peinte (fig. 5) très particulière aux longs cheveux ornés de disques (vraisemblablement de métal). Mais c’est surtout un personnage central du dessin d’Eugène de Girardin, repris dans le détail de l’aquarelle en figure 7, qui s’avère décisif pour notre étude. Il représente un guerrier sioux à cheval tuant un ennemi à l’aide de ce qui pourrait être interprété comme une lance arc. Cet homme porte un bouclier doté d’un décor très particulier qui apparaît sans équivoque comme la copie conforme de celui porté par les guerriers figurant sur notre peau peinte en figures 2 et 3 et que nous avons désigné sous le nom de guerrier au bouclier « à la corne ». Si les boucliers traditionnels sont le plus souvent décorés d’animaux stylisés (bisons, ours, cerfs, rapaces, etc.) ou de motifs solaires, les représentations de ce genre restent rares sinon exceptionnelles et nous n’avons retrouvé dans les divers catalogues et ouvrages consultés aucun bouclier ressemblant de près ou de loin à celui-ci. On peut donc en conclure que le dessin réalisé par Eugène de Girardin est la reproduction plus ou moins fidèle de tout ou d’une partie d’un objet qu’il a copié lors de son séjour chez les Sioux dans les années 1849-1850. Il indique d’ailleurs clairement dans la légende de son dessin que celui-ci a été reproduit d’après une peinture réalisée par un guerrier sioux. Il s’agit donc bien d’un objet réel observé par Eugène de Girardin sur une peau peinte, différente de celle du musée du quai Branly, mais qui présente avec cette dernière un point commun d’importance : un même personnage est clairement évoqué dans les deux cas. Les ressemblances s’accumulent, les lieux et les dates coïncident et nous permettent d’émettre une hypothèse assez convaincante sur les circonstances de l’arrivée de cette peau peinte en France. Si l’on se rappelle que cette pièce aurait été trouvée dans un grenier de l’ouest de la France, et plus particulièrement dans la région d’Angers, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre cette origine et celle d’Eugène de Girardin, qui, rappelons-le, est né à Saint- Léger-des-Bois (Maine et Loire) et est revenu habiter ce même département de 1860 à 1878, date de son dernier voyage au Panama où il décède en 1888. Compte tenu de terres du Nebraska mentionne que « tous les dessins joints à cette relation ont été exécutés par M. Lancelot, d’après les croquis rapportés par le voyageur ». Ces renseignements, retrouvés dans la publication de 1864, et une correspondance avec notre collègue canadien Arni Brownstone allaient tisser un lien possible entre la peau acquise et le dessinateur et voyageur français. Trois albums d’Eugène de Girardin ont, en effet, été préservés. Ils nous renseignent sur son itinéraire, les lieux visités, ses rencontres. Ces documents ont été légués par leur auteur à un ami de collège, semble-t-il avant son départ pour le Panama. Il s’agit de près de deux cents dessins et aquarelles de paysages et d’Amérindiens saisis sur le vif au travers des plaines et des montagnes Rocheuses. François de Gourcez a publié les principaux et commente en détail l’histoire du dessinateur français et son itinéraire.5 Parmi ces multiples dessins, deux aquarelles ont immédiatement attiré notre attention : le numéro 10 mentionnant de la main du dessinateur : From a Painting by a Sioux Warrior (fig. 6) et le numéro 63, qui est un détail agrandi du premier (fig. 7). Ces deux dessins représentent une peau peinte sioux ; il s’agit du modèle qui a servi pour la figure du Tour du Monde de 1864. Sont représentées des scènes de bataille où l’on voit des cavaliers affronter des guerriers à pied. Deux de ces cavaliers nous ont aussitôt interpellés. Dans le registre du bas, à droite, on remarque la ressemblance entre la FIG. 6 : Dessin d’Eugène de Girardin d’après la peinture d’un guerrier sioux. Aquarelle sur papier. Collection privée, numéro 10. FIG. 7 : Détail de la FIG. 6. Aquarelle sur papier. Collection privée, numéro 63.


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