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Une peau peinte sioux Eugène de Girardin découvre un grand rassemblement d’Indiens sioux venus chercher « les présents que le gouvernement de Washington leur envoie chaque année ». Dans l’attente de son départ pour Fort Union dans le Haut Missouri, il se promène dans le camp indien et y observe la vie quotidienne tout en réalisant croquis et dessins. Il nous décrit ainsi l’un des guerriers sioux qui va lui servir de guide : « Si notre petite caravane ne présente pas un effectif bien imposant, nous avons avec nous un arsenal ambulant en la personne de notre guide indien qui armé d’une carabine, de deux pistolets, d’un sabre de cavalerie, d’un arc et d’un carquois bien garni de flèches, enfin d’un couteau et d’un cassetête ouvre la marche avec une majesté un peu comique… Vêtu d’une tunique d’infanterie avec une épaulette de général d’un côté et une épaulette de laine rouge de l’autre, il ne porte ni chemise ni pantalon et ses jambes sont enveloppées dans des guêtres en peau de daim dont les franges brodées retombent jusqu’à terre… ». Une description qui n’est pas sans rappeler la tenue de quelques cavaliers représentés sur la peau peinte. Par la suite, il participera à d’autres expéditions dans les plaines et les montagnes Rocheuses au moins jusqu’en 1859, date de son dernier dessin connu. Rentré en France, en 1860, Eugène de Girardin publie donc la première partie de son voyage de 1849-1850 dans Le Tour du Monde en 1864. Nous ignorons le récit de la suite de ses voyages. Plus tard il est signalé comme « propriétaire » dans son Maine-et- Loire natal en 1878. Reparti aux Amériques, il serait décédé au Panama en 1888 à l’âge de cinquante-neuf ans. D’étranges coïncidences… Comme ce fut déjà le cas pour Catlin, Bodmer et Kurtz, ces peaux de bison peintes attirent très vite l’attention de l’artiste Eugène de Girardin. Dans Le Tour du Monde, il écrit : « Les Indiens, n’ayant pas de traditions écrites, se servent de peintures hiéroglyphiques pour transmettre leurs faits d’armes à la postérité. Les jeunes guerriers qui se sont le plus distingués se réunissent autour d’une peau de bison soigneusement tannée et d’une grande blancheur et chacun reproduit à son tour ses prouesses au moyen de grossières peintures plus ou moins véridiques. Il va sans dire que l’artiste se représente toujours sous les traits d’un brillant cavalier et se donne le beau rôle, tandis que ses ennemis, les Pawnies et les Corbeaux, fuient ignominieusement. » (p. 59). Ce récit est illustré, page 58, d’une figure légendée, Dessins et hiéroglyphes indiens, qui représente justement une de ces peaux, commentée ainsi par l’auteur comme « un coin du tableau représentant un guerrier, qui après avoir tué sa femme fait la paix avec le beau-père et fume le calumet de la paix ». La première note du Voyage dans les mauvaises 143 FIG. 2, 3, 4 et 5 : Détails de la peau peinte reproduite en FIG. 1. On y distingue, de haut en bas et de gauche à droite, les scènes suivantes : deux guerriers au bouclier à la corne (FIG.2), guerrier au bouclier à l’oiseau et guerrier à la traine en plumes d’aigles (FIG. 3), représentation probable d’un camp dans lequel ont été plantés des drapeaux évoquant le drapeau américain (FIG. 4) et guerrier aux longs cheveux ornés de disques (FIG. 5). chevaux, poursuites, combat près d’un camp occupé par des « Blancs » ?) et nous nous contenterons donc de préciser que les deux principaux « héros » de l’histoire sont sans doute l’homme au bouclier à « l’oiseau » et celui au bouclier « à la corne ». La représentation de chevaux bridés, mais non montés, en haut et à gauche, évoque vraisemblablement des chevaux volés. Sur la piste d’Eugène de Girardin Nous disposions au départ de très peu d’informations sur l’origine et l’histoire de cette peau peinte totalement inédite, repérée en 2010 et achetée par le musée du quai Branly en 2012. Ses propriétaires l’auraient acquise à la fin des années 1980 dans un petit village près de Coligny (Ain) auprès d’une personne âgée qui en aurait hérité de son père, sans autre précision. Cependant, l’un d’entre nous (Michel Petit) a reconnu rapidement cette peau de bison qui avait été présentée au musée de l’Homme en 1986. Le propriétaire de l’époque l’avait déposée pour une expertise et une acquisition éventuelle par le musée. Selon lui, elle aurait été découverte fortuitement dans un grenier dans la région d’Angers (ouest de la France). Quand et comment cette peau peinte des Plaines est-elle arrivée en France ? Nos recherches nous amènent à penser qu’elle aurait été collectée vers 1849-1850 dans l’actuel Dakota du Sud, auprès des Sioux, puis rapportée en France par Eugène de Girardin (1828-1888).3 Issu d’une famille de militaires, Eugène de Girardin naît le 2 décembre 1828 dans la région d’Angers, à Saint-Légerdes Bois. À partir de 1840, Il effectue sa scolarité au collège de Vendôme mais quitte cet établissement en 1846 et s’embarque pour l’Amérique. En 1849, il est à Saint Louis et participe comme dessinateur au voyage d’exploration conduit par le géologue John Evans à travers les grandes plaines entre 1849 et 1850. Il publie le récit de cette première partie de son voyage en 1864 dans la revue Le Tour du Monde sous le titre « Voyage dans les mauvaises terres du Nebraska ».4 Remontant le Missouri, Eugène de Girardin arrive à Fort Pierre où il séjourne et visite « le camp des Sioux » installés dans le voisinage. Il constate qu’il lui est « presque impossible de faire le portrait des guerriers ou même un croquis de leur camp, car ils se figuraient qu’une fois maître de leur image, il aurait le pouvoir de les détruire aussi facilement qu’elle-même ». La mission scientifique repart ensuite pour une prospection des Bad Lands du Sud-Dakota. Elle est composée, outre le dessinateur français, de « deux géologues, de cinq voyageurs canadiens qui servaient de muletiers et de cuisiniers, et enfin d’un guide indien ». De retour à Fort Pierre,


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