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HISTOIRE d’objet 142 son cou et ce qui ressemble à un bras coupé apparaît près de ses pieds. Un intermédiaire entre archaïsme et modernité Sur le plan stylistique, cette peau présente un mélange d’archaïsme et de modernité. Cet archaïsme est visible notamment au niveau du traitement des personnages (stick figures). On retrouve en effet ce même type de représentation sur des peaux très anciennes comme par exemple celle de l’expédition Lewis et Clark (vers 1790-1800), ou sur celles du Deutches Ledermuseum et du musée du quai Branly (vers 1830).2 Elles nous montrent soit des cavaliers dépourvus de jambes, soit la surimposition d’un homme debout et d’un cheval, ce qui graphiquement se traduit par un cavalier de face avec les deux jambes visibles de profil. Les chevaux y sont représentés avec un corps rectangulaire et massif, dotés de membres fins et raides terminés par des sabots en forme de crochets. Cette peau peinte diffère donc des précédentes par le traitement des jambes des cavaliers et par celui des chevaux qui apparaissent avec les courbures du dos et de la croupe bien marquées et des membres assez réalistes. Bien qu’elle témoigne d’un stade d’évolution avancé, elle reste encore assez loin des représentations plus fines des années 1870-1880. Cette évolution relativement rapide de l’art pictographique de la culture des Plaines serait due à une influence européenne générée par la présence de nombreux artistes et voyageurs qui, à partir des années 1820-1830, séjourneront parmi les tribus des Plaines. Ces éléments nous permettent donc de dater cet objet des années 1840-1850. L’observation du traitement graphique des chevaux et des personnages nous montre qu’au moins deux personnes ont participé à l’application du décor. Sur le plan thématique, cette peau est également assez différente des exemplaires plus anciens. En effet, ces derniers nous montrent des scènes de combat où des guerriers à pied ou à cheval s’affrontent en combat singulier, les « amis » se déplaçant vers la gauche et les « ennemis » vers la droite, induisant ainsi la notion de rencontre conflictuelle. Dans le cas qui nous occupe ici, aucune scène de combat n’est montrée et tous les participants vont de la droite vers la gauche. La guerre n’est donc évoquée que par la présence de la tête frappée d’un coup de hache et par le corps du guerrier gisant près du camp « américain ». Reste la difficulté d’interprétation des scènes représentées. Elle résulte du fait que ces peaux à décor de pictogrammes, agissant comme un support de la mémoire, étaient destinées à être comprises par ceux ayant vécu directement les événements relatés, ou en ayant eu connaissance par la tradition orale. L’interprétation des faits évoqués sur cette peau relève donc de l’hypothèse (vols de et une traîne en plumes d’aigle. Les armes représentées sont essentiellement des armes blanches, c’est-à-dire des arcs et carquois, lances droites ornées de bannières de plumes, haches à fer symétrique de type Missouri et sabres de cavalerie. On peut observer également la présence de fouets. Enfin, deux guerriers seulement sont munis d’armes à feu, un fusil et un pistolet, ce dernier étant représenté au-dessus de la croupe d’un cheval. Ces armes sont associées à une corne à poudre portée en bandoulière. Huit guerriers sont munis de boucliers circulaires ornés de plumes et de rubans flottants. Sept sont décorés de motifs peints. Ces décors, sortes de protections magiques obtenues dans des rêves ou des visions, étaient propres à chaque guerrier et permettaient d’identifier ce dernier parmi d’autres. La présence répétitive, à trois reprises, de deux de ces boucliers (le bouclier à « l’oiseau » et le bouclier « à la corne ») dans plusieurs registres témoigne donc que nous avons affaire ici non pas à une seule action mais à plusieurs s’échelonnant dans le temps. Les chevaux, délinéés et colorés en aplats comme les personnages, sont dessinés d’une manière assez réaliste notamment en ce qui concerne les pattes et les sabots. Les antérieurs et les postérieurs ne sont pas représentés en extension. La queue est en général flottante. Certains portent par ailleurs des décorations de plumes d’aigle fixées sur la queue, le front et/ou la crinière. Outre les guerriers et leurs chevaux, trois autres représentations apparaissent sur cette peau. Il s’agit tout d’abord, en haut et à gauche, d’une tête humaine aux longs cheveux émergeant d’un buste de forme triangulaire ; au-dessus de cette tête figure une hache et des traces rouges mêlées à la chevelure, indiquant sans doute que le personnage correspondant à cette tête a été tué avec ce type d’arme. Dans le registre inférieur apparaît, devant l’un des cavaliers, une pipe et son étui, un sac décoré en peau d’animal (loutre ?). La présence de ces objets en face de l’un des cavaliers désigne, selon la tradition des Plaines, le chef d’une expédition guerrière, c’est-à-dire celui qui en prenait l’initiative et en assurait donc la responsabilité. À noter également, tout à fait en bas de ce même registre, la présence d’un bison tué par deux flèches. Enfin une représentation particulièrement intrigante apparaît en bas et à gauche entre deux cavaliers. Il s’agit d’un cercle bordé intérieurement d’une frise de triangles, surmonté de trois drapeaux portant une étoile sur un fond rayé de rouge. Le premier motif est le plus souvent interprété comme symbolisant un camp (fig. 4). Quant aux drapeaux, il s’agit clairement d’une évocation du drapeau américain. Immédiatement à droite de ce camp apparaît un homme en position allongée relié à celui-ci par une ligne continue. Des traces rouges évoquant du sang sont visibles au niveau de


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