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DOSSIER transportaient sur leur tête ou leurs épaules (Monteiro, 1968 : 140). Les Zombo se procuraient ces défenses dans la zone du Kwango (cours supérieur du Congo) et au nord auprès 120 des Bampangu et des Bawumbu de la région du Pool Malebo, appelé Stanley Pool à l’époque (Birmingham, 1981 : 148, Van Wing, 1959 : 70, Tshimanga, 2001 : 46). Elles étaient transportées dans des agences de négoce à Kisembo et Ambriz. À partir du dernier quart du XIXe siècle, ils transportèrent également du caoutchouc sauvage vers la côte (Birmingham, 1981 : 148). Ils s’adonnaient aussi au commerce de petites quantités de produits agricoles et d’articles de production artisanale comme du miel, des textiles et des peaux tannées qui étaient troqués contre des marchandises européennes : soie, coton, laine, armes, poudre à canon, verrerie, porcelaine, cuivre, etc. En raison de ce trafic d’esclaves et d’ivoire, le nom « Bazombo » devint un terme général désignant les peuples de l’est du Kongo6 qui prenaient part à ces activités commerciales. D’ailleurs, la route qu’ils empruntaient entre l’arrièrepays et la côte héritera du nom de nzila Bazo(o)mbo.7 Les « Bazombo » ont également acquis une connotation péjorative. Pour reprendre les mots du Frère Louis Bruyns (1951 : 40), « Les Kongo méprisent les Zombo, et le nom "Zombo" est devenu une insulte ». Ce mépris découlait de la traite d’êtres humains,8 dont la demande augmenta après l’arrivée des Européens. Le commerce de l’ivoire était mal perçu. Des écrits de membres de la société missionnaire baptiste, comme John H. Weeks (1914, rééd. 1969 : 207–208), révèlent que les locaux croyaient que les blancs cachaient les âmes des Africains (ou des cadavres) dans les cavités des défenses et les expédiaient en Europe où elles ressuscitaient et devenaient des esclaves. Les caravanes zombo inspiraient également la crainte parce qu’elles étaient protégées par de puissants « fétiches » qui leur portaient chance. Ces fétiches étaient également capables d’attirer le malheur sur les villes qui voyaient ces caravanes s’y arrêter. Malgré tout, des maisons furent bâties le long des routes commerciales et des villages grandirent autour d’elles. Les lieux de repos destinés aux caravanes firent bientôt place à des marchés d’esclaves et des postes de péage (Van Wing 1959 : 21).9 Le tribut à payer était calculé en fonction du nombre de transporteurs dans la caravane et de la valeur de la cargaison. Ces taxes étaient destinées au roi de Kongo, mais le mani Mbata profitait également de la situation dès lors que la route commerciale passait sur son territoire. En outre, cela permettait d’écouler tout surplus économique (essentiellement des produits agricoles et des textiles de raphia) produit à l’intérieur des frontières de Mbata (Hilton 1985 : 129). À un moment donné, les Portugais choisirent de traiter directement avec les Mbata à Loanda, plutôt que de passer par San Salvador. Le pouvoir du mani kongo s’en trouva fortement affaibli et, dès lors, le mani Mbata refusa de continuer à reconnaître le pouvoir de ce dirigeant. La tension entre les Portugais et les Kongo atteignit son paroxysme lors de la bataille de (A)Mbuila/Mbwila en 1665, qui se solda par la défaite des élites kongo. Des rivalités internes entre clans se disputant la suprématie politique entraînèrent finalement le déclin du royaume de Kongo. Il fut totalement dissous à l’aube du XVIIIe siècle. Sur l’ancien territoire de cet État, trois branches, ou « tribus », émergèrent : les Mussorongo au nord-ouest, les Mushikongo au centre et les Zombo à l’est (Birmingham 1981 : 67).10 Le territoire des Zombo fut scindé en deux par la délimitation de la frontière congolo-angolaise, établie en 1901 par un comité regroupant Belges et Portugais. Aujourd’hui, les Zombo sont principalement concentrés dans l’angle nordest de l’Angola, la province d’Uíge, où ils vivent sur le plateau de Zombo. En République démocratique du Congo, selon Boone (1973 : 168), seuls quelques villages zombo bordent encore les rives de l’Inkisi, notamment Banza- Mbata, Tumba-Mani et Kindompolo. La construction de la voie ferrée (1890-1898) reliant Matadi aux installations portuaires du Pool établit une connexion rapide entre le Bas et le Haut-Congo et permit l’intensification du volume de produits d’échange avec l’Europe à travers le port de Matadi. Charles Tshimanga (2001 : 50) écrit : « Sa mise en service entraîna aussi l’effondrement des Zombo et des Kongo dans les échanges avec la côte Atlantique et les relégua … vers une économie d’autosubsistance ». Influences chrétiennes Des missionnaires de l’Église catholique romaine arrivèrent au royaume de Kongo à la fin du XVe siècle, peu de temps après les premiers contacts avec les explorateurs portugais. L’église allait maintenir des liens avec la cour royale kongo pendant les deux siècles suivants. En dépit de ce lien étroit, les premiers efforts de christianisation n’eurent pas de réelles répercussions. Certains rois kongo se décrivaient comme les champions de la chrétienté, mais leur but ultime était de limiter le pouvoir des bitome (sing. kitome). Un nouveau mani kongo pouvait très bien tenter de « compléter » son statut de souverain séculaire en se servant de la présence d’un représentant de l’Église catholique lors de son couronnement. Ce rôle était généralement dévolu au délégué du clan Nsaku, qui maintenait la suprématie religieuse. Des églises furent bâties, des croix érigées, mais la croyance envers des « idoles » indigènes, le pouvoir des « sorciers » et des guérisseurs locaux, et les incantations et FIG. 4 : Le révérend Thomas Lewis, BMS (1859–1929). D’après Lewis, 1930, frontispice.


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