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DOSSIER 116 caractère particuliers d’une personne – la matérialisation d’un côté sombre ou d’un penchant cruel, par exemple. Ces animaux-garous étaient extrêmement variés, allant d’une abeille dans le cas d’un enfant à une loutre ou toute autre créature. Les gros animaux et les prédateurs, de même que les importants phénomènes naturels – un arc-en-ciel, une chute d’eau ou un orage – étaient réservés aux rois et aux membres de haut rang des associations de culte. Quelle que soit la nature de la transformation en animal-garou, chaque phénomène conférait une identité supplémentaire, ou alternative, à l’individu. Ces manifestations de l’esprit pouvaient être envoyées dans le royaume des animaux-garous, supposé exister en parallèle au monde observable. Des informateurs ont fourni diverses interprétations de cette situation complexe.36 Par exemple, le mot lekang (pl. begang) en Nweh, la langue Bangwa, est traduit tantôt par « sorcier », tantôt par « fantôme » ou encore « animal ».37 Cette capacité à posséder un double sous forme animale (pi) est une manifestation de la ke.38 Si cette « sorcellerie » pouvait être invoquée à des fins tant bienveillantes que malveillantes, le chef et les membres de son association de culte – en l’occurrence la société de la nuit – étaient supposés agir pour le compte de la communauté lorsque leurs doubles parcouraient le ciel étoilé ou les étendues sauvages de la brousse. Ils protégeaient le village, car ils assumaient le rôle de sorciers bienveillants. Cette structure de croyances ne se limitait pas au Grassland. Les Banyangs, qui peuplent la forêt avoisinante, partagent avec les groupes bamiléké des notions similaires quant aux animaux garous.39 La peau de léopard perlée figurant dans la collection du FAMSF peut être envisagée comme l’incarnation du paradoxe des dirigeants bamiléké, à la fois protecteurs et prédateurs. Probablement l’unique exemplaire du genre à avoir subsisté, elle représente simultanément la capacité du roi à devenir un animal-garou, son pouvoir politique et sa richesse matérielle. Qu’elle soit utilisée comme signe de prestige royal comme au début du XXe siècle (la panoplie du trône du fon), ou dans le contexte des danses masquées de la société kuosi, elle constitue un élément important du faste jadis déployé pour maintenir le statut du fon. NOTES 1. Jonathan Fogel, manuscrit inédit, 2014. 2. Tamara Northern, The Sign of the Leopard. Beaded Art of Cameroon. Catalogue d’exposition,The William Benton Museum of Art, Université du Connecticut, 1975 p. 128 #O & p. 127 #K. 3. Raymond Lecoq, Les Bamileke (Une civilisation africaine), éditions africaines, Paris, 1953, p. 113. 4. Dans son compte-rendu d’une performance de l’association de l’éléphant, Robert Brain mentionne que les pieds des personnages masqués sont nus et que leurs robes indigo faites en tissu « royal » laissent apparaître leurs jambes d’un rouge vif obtenu au moyen de bois de padouk ; cf. Robert Brain et Adam Pollock. Bangwa Funerary Sculpture. The University of Toronto Press, Toronto, 1971, p. 100ff. 5. Catalogue de Sotheby’s Paris, 11 juin 2008, lot 140. 6. Communication par e-mail avec Sotheby’s, 22/01/2014. FIG. 15 : « Danse du tueur de léopards, Banganté. ». Photo : F. C. C. Egerton, 1936. D’après Egerton, African Majesty, pl. 67.


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