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Bénin à Boston 83 part au Pitt Rivers Museum. En 1880, après avoir hérité d’un parent d’une vaste propriété de campagne nommée Rushmore dans le Dorset, il se consacra à une deuxième collection, qui comprenait des objets ethnographiques, un domaine qui avait suscité son intérêt.8 Il transforma une école située sur les terres de sa propriété en un musée privé et engagea des employés et des artistes afin de documenter sa collection grandissante dans un catalogue en neuf volumes, abrité aujourd’hui dans la bibliothèque de l’université de Cambridge.9 Il souhaitait que son musée privé contribue à l’éducation de la classe ouvrière, et il en fut ainsi pour ceux qui travaillaient sur sa propriété et vivaient dans les alentours. Lorsque les oeuvres de Bénin arrivèrent à Londres en 1897, elles attirèrent immédiatement l’attention de Pitt- Rivers qui acheta plus de trois cent objets auprès de marchands et de militaires ou leur famille. Il vouait une telle passion à ces oeuvres qu’il publia un important livre illustré, Antique Works of Art from Benin, collected by Lieutenant General Pitt-River, paru en 1900, l’année même de sa mort. Le titre du livre est significatif, car il attribue aux oeuvres le statut d’« art » à une époque où les objets provenant de cette région du globe étaient considérés comme de simples artefacts ou objets d’ethnographie. Son introduction, « Works of Art from Benin, West Africa, obtained by the punitive expedition in 1897, and now at the General Pitt Rivers Museum at Farnham, Dorset », reste succincte, pas plus de deux pages, et relate la manière dont les objets ont quitté le royaume de Bénin à la suite de l’Expédition punitive britannique. Dans un passage éloquent, il révèle son admiration pour les oeuvres lorsqu’il écrit « … leur réelle valeur réside dans leur façon de représenter une phase de l’art – à un stade plutôt avancé – qui ne figure dans aucun document … ».10 Un chef à cheval Plusieurs objets occupent une place de choix dans l’ouvrage de Pitt-Rivers, parmi lesquels une sculpture en bronze d’un chef à cheval, couramment appelée le « cavalier », et qui est aujourd’hui une pièce maîtresse de la galerie du royaume de Bénin au Museum of Fine Arts de Boston (fig. 2, 3 et 4). Elle fait partie d’un corpus restreint d’oeuvres similaires du XVIe siècle qui ont suscité l’attention de nombreux experts.11 Habillé de somptueux vêtements, ce cavalier pourrait représenter Oba Esigie, guerrier victorieux, voire le prince Oranmiyan, fondateur de l’actuelle dynastie royale quelque part au cours du XIIe siècle. Il tient une sagaie, un bouclier en jonc tressé et plusieurs lances. La projection au sommet de sa coiffure en plumes fait partie d’une ancienne couronne et contient des substances rituelles. Cette sculpture d’un chef à cheval figurait parmi plusieurs oeuvres appartenant, à l’origine, au médecin Felix Norman Ling Roth, qui avait pris part à l’Expédition punitive. 12 Il les donna à son frère, Henry Ling Roth, profondément intéressé par l’anthropologie, la science et les musées. Ce dernier vendit la sculpture ainsi qu’un gong double (fig. 5) au Pitt Rivers.13 La note relative au chef à cheval dans le catalogue du musée indique : « 11 mai 1898, achat de M. H. Ling Roth, 32 Prescot St. Halifax ».14 Elle coûta 20 livres, l’équivalent d’environ 1 900 livres aujourd’hui. En sachant que le revenu moyen d’un travailleur à la fin du XIXe siècle s’élevait à environ 65 livres par an, les oeuvres de Bénin étaient onéreuses, même lors de FIG. 7 : Tête commémorative d’un chef voisin vaincu. Edo, royaume de Bénin, Nigeria. Fin XVe siècle – début XVIe siècle. Alliage cuivreux et fer. H. : 21 cm. Museum of Fine Arts, Boston, collection Robert Owen Lehman. Avec l’aimable autorisation du Museum of Fine Arts, Boston.


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