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92 Chefs & Gouverneurs Art fidjien au musée d’Archéologie et d’Anthropologie de Cambridge Chefs & Gouverneurs : art et pouvoir aux Fidji (du 7 juin 2013 au 19 avril 2014), première exposition majeure au Royaume-Uni consacrée à l’art fidjien, a récemment ouvert ses portes au Museum of Archaeology and Anthropology de l’université de Cambridge (MAA). Inspirée des extraordinaires collections fidjiennes du MAA, elle présente les caractéristiques fondamentales de la culture fidjienne et souligne les aspects essentiels de l’histoire précoloniale et du début de la période coloniale. Tissus d’écorce aux motifs somptueux (masi), décorations raffinées et sculptures en ivoire de baleine et bois exaltent l’ingéniosité et la maîtrise de leurs créateurs et témoignent du dynamisme de l’art et de la culture des îles Fidji. L’exposition découle du projet de recherche collectif Art fidjien (2011-2014) mené par le professeur Steven Hooper, directeur du Sainsbury Research Unit à l’université d’East Anglia, en association avec le MAA (voir les détails ci-dessous). Bénéficiant d’une bourse octroyée par l’Arts and Humanities Research Council du Royaume-Uni, celui-ci offre la possibilité d’étudier méthodiquement deux mille cinq cents artefacts fidjiens aux côtés de photographies et d’archives issues des collections du MAA et d’effectuer une analyse comparative portant sur des types d’objets et des histoires de collections spécifiques, en collaboration avec de nombreuses institutions partenaires britanniques et étrangères, dont le musée de Fidji. Le coeur des collections fidjiennes du MAA, notamment la majorité des nombreux objets exposés, fut acquis par les résidents officiels de la demeure du gouverneur Sir Arthur Gordon et les invités qui s’y rendaient peu de temps après la cession des Fidji à la Couronne britannique en 1874. Les circonstances entourant l’acquisition de ces objets traduisent la complexité des relations historiques entre les îles Fidji, le Royaume-Uni et Cambridge. L’essentiel des collections constituées à la Maison du gouvernement fut transféré vers Cambridge où le matériel contribua à la création du musée d’Archéologie générale et locale (à présent le MAA) en 1884. Par Anita Herle MUSÉE à la Une FIG. 1 : Tissu d’écorce, Gatuvakaviti. Partie de tissu d’écorce dont le panneau principal est décoré par frottement dans le style tongan et dont le bord comporte des motifs masikesa réalisés au pochoir à la manière fidjienne. L : 245 cm. Photographie de Jocelyne Dudding © MAA Z 30433. Gordon et l’un de ses secrétaires particuliers, Alfred Maudslay, étaient tous deux diplômés de Cambridge, et c’est le baron von Hügel, fervent collectionneur et résident occasionnel de la Maison du gouvernement, qui en devint le conservateur fondateur, un poste qu’il occupera pendant près de quarante ans. Bon nombre de ces précieux objets reflètent le mouvement des peuples, des idées et des savoir-faire au sein de la Polynésie occidentale et au-delà. Certains étaient utilisés pour apaiser les relations et renforcer les alliances entre les puissants chefs de Polynésie occidentale, ainsi qu’entre les chefs fidjiens, les gouverneurs britanniques et d’autres. Naturellement, de nombreux objets fidjiens, les plus remarquables de la collection du MAA, furent présentés à Sir Arthur et Lady Gordon pendant la période où le gouverneur était en poste (1875-1880). Il existe une longue tradition d’échanges entre les groupes des Fidji, Tonga et Samoa. Il est parfois difficile de déterminer si des objets particuliers furent introduits aux Fidji par le biais d’échanges ou créés aux îles Fidji par des spécialistes venus d’ailleurs. Certains présentent un mélange de caractéristiques culturelles. Par exemple, un type spécifique de tissu d’écorce allie une décoration produite par la technique du frottement, style typique de Tonga, aux motifs fidjiens exécutés au pochoir sur l’un ou plusieurs de ses bords (fig. 1). Connus sous le nom de gatuvakaviti, ces tissus sont vraisemblablement apparus au cours du XVIIIe siècle afin de célébrer les nouveaux mariages entre lignées fidjiennes et tonganes (Clunie 1986 : 127). De rares statuettes en ivoire représentant habituellement des femmes, provenant de Tonga ou créées par des artisans tongans aux îles Fidji, étaient vénérées en tant que dieux ancestraux et confinées dans les sanctuaires de certaines maisons des esprits fidjiennes (burekalou) (Clunie 2013 a, b). Elles étaient savamment sculptées à partir de dents de cachalot (Physeter catodon ou macrocephalus), huilées et fumées au-dessus d’un feu couvant de tubercules sucrés afin


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