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DOSSIER 116 des années 1940, il développe un langage qui passe de formes organiques à des interprétations figuratives jusqu’à atteindre des formes narratives d’une extrême complexité. Tout en poursuivant l’utilisation de paysages du subconscient, le propos devient plus viscéral et vivant. Matta est l’un des surréalistes qui connaît le mieux l’art océanien et il possède une importante et assez exceptionnelle collection de sculptures de la Nouvelle-Irlande, parmi lesquelles des malangan, des frises et des masques de toutes sortes. Il est sensible tout autant à l’impact émotionnel de ces pièces qu’à leurs qualités formelles structurelles, qu’il incorpore dans nombre de ses personnages mi-monstres mi-bêtes, en particulier dans ses oeuvres de la fin des années 1940 et 1950. (fig. 14, 15 et 16). Formellement, il introduit les protubérances, les cavités nervurées, l’élongation de l’axe vertical, et les membres distordus qui sont autant de traits propres à la sculpture malangan, leur nature primitive s’exprimant au travers de rythmes saccadés. Matta aime beaucoup l’utilisation brute de la couleur dans l’archipel Bismarck, un usage de la coueur qui définit également l’essence de son propre art. Quant à Serge Brignoni, de tous les artistes du XXe siècle liés aux mouvements surréalistes et expressionnistes, il est celui qui poussera le plus loin la collection de l’art océanien, et en particulier celui de l’archipel Bismarck. (fig. 17 et 18) Collectionner, pour Brignoni, constitue en tant que tel la manifestation d’une expression artistique. Grâce à sa passion et à un talent inné pour débusquer des pièces dans les endroits les plus insolites, il constituera l’une des plus remarquables collections d’art océanien en mains privées. (fig. 19) Il apprécie cet art pour ses qualités inhérentes, et non pas seulement en vertu d’une iconographie emblématique ou pour leur spiritualité première, – qualités bien trop souvent surévaluées au détriment de l’appréciation des mérites de chacune des sculptures prise individuellement. Une longue vie lui permet d’aiguiser et d’éduquer son oeil à la qualité, avec pour résultat la collection aujourd’hui présentée au musée de la Culture, à Lugano. Brignoni commence à dessiner et à collectionner dès sa plus tendre enfance. Il se rappelle avoir toujours été fasciné par les choses colorées, partout, même les détritus. 13 Alors qu’il a seulement huit ans, en visite au musée ethnographique régional, il est attiré de loin par les étranges figures avec de grosses têtes, de longs bras et des parties génitales surdimensionnées. 14 Il fait sa première rencontre significative avec l’« art primitif » à Paris. Le cubisme est le mouvement artistique dominant de l’époque et presque tous les artistes qu’il rencontre sont d’une façon ou d’une autre en contact avec l’art africain et océanien. Attirés par leur aspect inhabituel et exotique, les artistes collectionnent ces figures en rupture avec un ordre des choses


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