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MUSÉE à la Une envoyés au pape par des entités catholiques – paroisses, préfectures, 86 diocèses, ordres et instituts missionnaires, communautés indigènes religieuses, sociétés scientifiques, et particuliers – spécialement pour l’Exposition universelle missionnaire du Vatican, qui eut lieu à Rome du 21 décembre 1924 au 10 janvier 1925.20 À son retour de l’exposition, le révérend John J. Considine de la Société des missions étrangères catholiques d’Amérique la compara à « une fenêtre sur le monde ».21 L’exposition, préparée par la Propaganda Fide, s’intéressait à un vaste territoire et situait les objets dans le contexte de l’activité missionnaire catholique à travers le monde. Plus d’un million de visiteurs s’y rendirent. Le père William Schmidt (1868-1954), un membre de la Société du Verbe-Divin et qui, plus tard, officierait comme directeur de la collection du Museo Etnologico, organisa l’exposition. Plus de cent mille oeuvres furent exposées dans vingt-six pavillons pour montrer « dans les grandes lignes la succession des étapes du développement de la civilisation, et les influences qui les façonnèrent ».22 Il « tentait de reconstruire les cultures et civilisations originales de l’humanité, Urkulturen », qui, selon lui, exprimaient une notion universelle du monothéisme.23 La collection largement enrichie du Vatican qui résulta de l’exposition fut réorganisée dans le Pontificio Museo Missionario-Etnologico en 1926 et fut installée dans le palais du Latran, où elle demeura jusqu’en 1963. Elle fut transférée au musée du Vatican en 1973. Picpus, citée plus haut, procura des oeuvres du Pacifique particulièrement importantes pour l’Exposition universelle missionnaire, dont certaines doivent encore être analysées par des spécialistes. Outre les figures des îles Gambier, des objets de sa collection provenant des îles Marquises et de Rapa Nui (l’île de Pâques) y furent envoyés. Les missionnaires de Picpus arrivèrent aux îles Marquises en 1838 et le matériel qu’ils rassemblèrent revêt une grande importance. Aux Marquises, les figures humaines nommées tiki représentent des ancêtres déifiés et sont très variées en matière de tailles et de techniques. D’énormes sculptures en pierre étaient taillées dans le basalte pour les me’ae, les lieux sacrés de rituels, tandis que de plus petites figures portables comme les tiki ke’a, de pierre et de bois (fig. 10), étaient destinées à l’adoration personnelle sur le me’ae. Une exceptionnelle tête tiki (fig. 11) pourrait avoir fait partie d’un type de réceptacle en forme de canoë utilisé pour les enterrements.24 Des motifs de tatouage caractéristiques des Marquises encadrent la bouche, suggérant qu’il s’agit d’un portrait, bien que l’identité du sujet soit inconnue. Malgré cette hypothèse, elle est simplement rapportée comme « tête d’idole » et « tête d’un dieu » dans les dossiers du Vatican. Les kotue ou ‘otue, des bols fermés d’un couvercle, étaient utilisés pour conserver des objets de valeur et transporter les crânes durant les processions funéraires. Parmi la douzaine environ de kotue ayant subsisté, l’exemplaire du Vatican constitue le seul connu du XIXe siècle muni d’un couvercle savamment sculpté 25 (fig. 12). Sa forme raffinée évoque le corps de la colombe à queue noire des Marquises, kotue. Rapa Nui est célèbre pour abriter environ un millier de sculptures monumentales de dieux surplombant les rivages de cette petite île. Plusieurs récits existent à propos des petites figures d’ancêtres en bois réalisées par l’un des premiers habitants, Tuu-ko-ihu, qui passa maître dans l’art de sculpter le bois et avait le pouvoir de donner vie à ces figures. Les figures en bois sculptées à petite échelle ont continué à être produites et représentent les ancêtres, maoi tangata. Le missionnaire catholique français, frère Eugène Eyraud, arriva sur l’île de Pâques en 1864 dans l’espoir d’y établir une mission. Il rapporta que « dans chacune de leurs maisons se trouvaient de nombreuses statuettes, hautes d’environ trente centimètres, qui représentaient un homme, un poisson, un oiseau par exemple ».26 Ces figures étaient portées à l’occasion de cérémonies pour vénérer les ancêtres et assurer la prospérité et la fécondité des descendants.27 La figure du Vatican présentée dans l’exposition du de Young (fig. 13) est relativement naturaliste dans son apparence. Les membres de haut rang de Rapa Nui se distinguaient des autres par leur aspect, et notamment par le port de pectoraux rei miro en bois (fig. 14) à l’occasion de cérémonies. Les deux têtes aux extrémités de ces objets en forme de croissant rappellent les moai colossaux en pierre, avec des mâchoires FIG. 10 : Figure tiki akau, îles Marquises ou Mo'orea, Tahiti, Polynésie française, XIXe siècle. Bois. Ramenée par le Fr. François Caret à l’ordre missionnaire Picpus en 1836, et de là, incluse dans l’Exposition universelle missionnaire du Vatican en 1925. Museo Etnologico,Vatican, inv. #100194. Photo : Scott McCue. FIG. 11 : Tête tiki, îles Marquises, Polynésie française, XIXe siècle. Bois. Ramenée par le Fr. François Caret à l’ordre missionnaire Picpus en 1836, et de là, incluse dans l’Exposition universelle missionnaire du Vatican en 1925. Museo Etnologico,Vatican, inv. #100198. Photo : Scott McCue. FIG. 12 : Bol kotue ou ‘otue, îles Marquises, Polynésie française, XIXe siècle. Bois. Ramené par l’ordre missionnaire Picpus pour l’Exposition universelle missionnaire du Vatican en 1925. Museo Etnologico,Vatican, inv. #100214.


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