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Charles Ratton, l’invention des arts « primitifs » : Retour sur une vie, un regard, une époque La première exposition consacrée 76 à un marchand organisée par le musée du quai Branly ne pouvait être dédiée à personne d’autre que Charles Ratton. Galeriste, expert, collectionneur et érudit, Charles Ratton (1897-1986) est, sans conteste, l’un des acteurs les plus emblématiques du marché de l’art et particulièrement des arts dits « primitifs », dont il contribua avec ferveur à asseoir la reconnaissance en tant qu’oeuvres d’art, dépassant le statut de curiosités ou de documents ethnographiques dans lequel les créations extra-européennes avaient été cantonnées auparavant. Un hommage à ce personnage s’imposait, mais l’approcher relevait du défi tant son activité a été prolifique et variée et tant Ratton, luimême, a cultivé le secret autour de sa personne, s’abstenant d’écrire sur ses motivations et sa démarche. Pour cerner l’homme et son époque et orchestrer cette exposition à michemin entre un portrait biographique et une incursion dans l’histoire du goût, le musée du quai Branly a fait appel à Philippe Dagen, auteur, historien de l’art et professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris I – Panthéon Sorbonne, ainsi qu’à Maureen Murphy, historienne de l’art et maître de conférences également à Paris I, spécialisée dans l’histoire de la réception des arts d’Afrique en Occident. Nous les avons rencontrés tous deux à Paris afin d’en savoir plus sur cet événement qui ouvrira ses portes le 25 juin 2013 dans la mezzanine est du musée du quai Branly et que l’on pourra découvrir jusqu’au 22 septembre. Tribal Art Magazine : Comment approche-t-on un homme si familier des spécialistes et des amateurs en arts premiers mais dont, paradoxalement, l’on connaît mal des aspects importants de sa biographie ? Philippe Dagen : Il est vrai que tout le monde croit savoir quelque chose sur Ratton tant son nom est intimement lié aux arts extra-européens, mais en vérité je crois que personne avant nous n’avait eu la possibilité de Propos recueillis par Elena Martínez-Jacquet remonter à la source et de consulter aussi librement que nous les archives qui se trouvent rue de Marignan – où Charles Ratton exerça son métier de marchand pendant de nombreuses décennies –, aujourd’hui détenues par Guy Ladrière. Depuis que ce projet d’exposition nous a été confié voici deux ans, nous avons passé un temps assez long à nous rendre sur ce lieu, tous les lundis matins, pour consulter, boîte après boîte – car aucun inventaire, ni même classement précis n’avait été fait de ces fonds –, d’innombrables dossiers permettant de revoir l’activité de Charles Ratton depuis ses débuts professionnels dans les années 1920 jusque dans les années 1970. Nous avons examiné la correspondance, des éléments à caractère documentaire, des éléments à caractère commercial, beaucoup de choses concernant l’organisation d’expositions : aussi bien des billets transatlantiques que des projets de préface, par exemple. Au fur et à mesure des chemises que nous ouvrions, certaines idées se précisaient. Mais dans bien des cas, ce sont de véritables découvertes que nous y avons faites. Je pense, par exemple, à des dossiers très importants, et totalement inédits jusque-là, concernant les rapports de Ratton avec les surréalistes et avec Jean Dubuffet. Maureen Murphy : À cela j’ajouterai aussi les dessins d’enfants d’Angola – dont Ratton donna d’ailleurs un exemplaire à Dubuffet –, qui étaient totalement inconnus. Nous avons également eu accès à des informations inédites permettant d’éclairer notamment la situation du marché de l’art africain dans les années 1960-1970 : la circulation des biens, les limitations à l’exportation d’objets du territoire africain, etc. T. A. M. : Ces recherches documentaires sont-elles devenues le noyau de l’exposition que vous avez conçue ? Comment avez-vous construit le discours et sélectionné les matériaux qui y sont présentés ? MUSÉE à la Une FIG. 1 : Pendentif féminin, Hungaan, République démocratique du Congo, XIXe siècle. Ivoire. H. : 7,7 cm. Musée du quai Branly, 73.1997.20.1. © musée du quai Branly, photo Hugues Dubois. FIG. 2 : Plaque circulaire, côte centrale, Pérou. Cuivre ou bronze. H. : 7,5 cm. Musée du quai Branly, 71.1963.39.3. © musée du quai Branly, photo Claude Germain. FIG. 3 (PAGE SUIVANTE, EN HAUT) : Croquis de Charles Ratton. Archives Charles Ratton. Guy Ladrière, Paris. © musée du quai Branly, photo Claude Germain.


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