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FIG. 4 : Vetrines. Two shelves showing mainly Kulango and Kotoko bronzes. Photo: Pauline Shapiro FIG. 3 : Couverture du catalogue pour l’exposition 20 siècles d’art mexicain au Museum of Modern Art, New York, 1940. Collection privée. FIG. 4 : Hugo Brehme (1882–1954), Maya Chacmol, vers 1920. Tirage gélatino-argentique. 9,2 x 14,3 cm. Avec l’aimable autorisation de la Throckmorton Fine Art, New York. 129 où les têtes colossales olmèques avaient été découvertes. Des fouilles avaient été menées sur les sites de La Venta et Tres Zapotes, mais je sentais que quelque chose d’important se cachait sur le site de San Lorenzo Tenochtitlán, largement inexploré à l’époque. Mon intuition était bonne et j’ai eu de la chance. L’archéologie, c’est comme la pêche : la technique est importante, la chance aussi. Je connaissais un archéologue mexicain, aujourd’hui décédé, qui avait reçu une formidable formation en France et qui faisait preuve d’une technique impeccable, mais il n’a pas eu le petit brin de chance nécessaire et n’a jamais rien découvert. À San Lorenzo Tenochtitlán, j’ai trouvé la première capitale de Mésoamérique, datant de 1200 av. J.-C., peut-être même de 1400 av. J.-C. J’avais une équipe formidable. Je suis fier aussi d’avoir publié en temps voulu, avec mon collaborateur Richard Diehl, les résultats de nos fouilles et de notre travail sur le terrain dans cette région. L’une des premières questions que je me suis posée était de savoir pourquoi une civilisation avait vu le jour dans un marécage. Je me suis toutefois rendu compte que cette région disposait d’un potentiel agricole élevé. Elle ressemblait un peu aux berges et aux deltas du Nil en Égypte. F. C. : Qu’est-ce qui vous a mené jusqu’aux civilisations les plus anciennes ? M. C. : J’ai toujours été intéressé par les civilisations précolombiennes. Il y a fort longtemps, le Museum of Modern Art organisa une exposition intitulée Vingt siècles d’art mexicain. Mon grand-père possédait un exemplaire du catalogue dans son ranch du Wyoming. J’ai été subjugué par cet ouvrage et les nombreuses images qu’il renfermait. Lors de mon premier cycle à Harvard, j’ai étudié la littérature anglaise parce que je voulais devenir écrivain. Mais sur le manteau de la cheminée de ma chambre d’étudiant, j’avais des cartes postales représentant des artefacts précolombiens, notamment, je crois, une hache en pierre de Veracruz. Et je me souviens avoir été impressionné en voyant des images des fresques de Bonampak. Lors de ma deuxième année, j’ai visité le Yucatán pendant les vacances de Noël et j’ai pu me rendre sur le site maya de Chichen Itzá. De retour à Harvard, je me suis lassé de la littérature anglaise – les professeurs voulaient simplement que l’on soit capable d’identifier des passages aléatoires de textes. J’ai décidé que je voulais devenir un archéologue spécialisé dans les Mayas, mais ce genre de matière n’existait pas. Je me suis alors tourné vers l’anthropologie. Mais la guerre de Corée éclata et « ruina » les projets de tout le monde. Par crainte de me retrouver à nettoyer des poubelles comme un simple soldat, j’ai accepté un poste que l’on me proposait dans les renseignements pour la CIA (Central Intelligence Agency). J’ai adoré. On m’affecta à un poste en Chine, sur une île aux mains des nationalistes. À la fin de la guerre, j’ai été admis dans le programme de doctorat en anthropologie de Harvard, mais j’ai pris mon temps avant de rentrer aux États-Unis. J’ai voyagé à travers l’Asie du Sud-Est, où c’est ma visite à Angkor qui m’a le plus impressionné. J’en ai conclu – et je pense toujours aujourd’hui – qu’il s’agissait de la plus remarquable cité ancienne du monde. J’ai alors pensé me tourner vers l’Asie, mais je peux m’estimer heureux de ne pas l’avoir fait : le Cambodge allait bientôt connaître un enfer de trente ans. J’ai également apprécié mes voyages en Inde et au Sri Lanka. D’Asie, je suis reparti directement aux États-Unis. Le Moyen-Orient ne m’a jamais « botté ». À Harvard, j’ai eu un professeur remarquable, Gordon Willey. Il m’a donné les bases pour étudier la civilisation olmèque, et c’était parti ! Pourtant, j’étais déjà aussi intéressé, comme je l’ai évoqué, par les Mayas et les Khmers. F. C. : Que pensez-vous du clivage qui s’est creusé entre les archéologues – en fait, les anthropologues en général – et les historiens de l’art ? M. C. : Il existe, et c’est regrettable. Les archéologues ont toujours eu l’habitude d’avoir des collections d’artefacts, MICHAEL D. COE


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