Musée du Dak Lak C. H. : Ce musée doit devenir avec le temps – telle est ma conviction – aussi important que celui de Hanoi. Il doit participer au nécessaire changement des mentalités, tant des habitants de la province que des visiteurs étrangers. Ces derniers pourront découvrir que des objets qu’ils méprisaient, sous prétexte qu’ils appartenaient à des villageois, offrent au regard une évidente beauté. Quant aux villageois, le fait de voir leurs propres objets exposés dans un grand musée, valorise leurs traditions, donc leur identité face à la population dominante. J’espère vraiment que les choses vont changer. J’ajouterai autre chose, les textes et la signalétique du musée ne sont pas en trois langues, mais en quatre, le êdê, langue de la population locale, est placée à égalité avec le vietnamien, le français et l’anglais. Un tel choix est extrêmement novateur et valorisant. C’est le seul musée au Vietnam – et probablement en Asie du Sud-Est – qui situe la langue d’une minorité au même niveau que les langues de populations majoritaires et dominantes. Sur le chemin qui nous mène à la pleine reconnaissance des populations minoritaires, ce musée accomplit un pas décisif. F.-A. N. H. G. : Quels sont vos projets muséographiques au Vietnam ? C. H. : Je préfère parler du court terme, ce qui me paraît plus sûr. Pour les deux ou trois années à venir se dessinent des projets formidables, totalement vietnamiens, et à propos desquels le Vietnam a demandé notre coopération. Citons d’abord, à Hô Chi Minh-Ville, l’organisation modernisée des visites du Palais de l’Indépendance, ancien Palais de la Réunification. Citons ensuite la création d’un musée à Hué dans deux jolies maisons coloniales des années 1930, au bord de la rivière des Parfums, à côté de l’hôtel Morin. J’ajouterai aussi, au musée d’Ethnographie du Vietnam à Hanoi, l’exposition du don récent des magnifiques photographies de Jean-Marie Duchange prises entre juin 1952 et juillet 1955 chez les populations montagnardes des Hauts Plateaux du Centre. L’exposition sera montée ensuite au musée du Dak Lak. L’inauguration de ces différents projets aura lieu à la fin de l’année de 2013, dans le cadre des « Années croisées France-Vietnam ». l’ethnographie et les collectes n’ont commencé que dans les années 1960-1970. Nous ne devons pas oublier que la guerre a duré jusqu’en 1975. Le premier musée d’ethnographie se trouve à Tai Nguyen, au nord de Hanoi. Il réunit d’excellentes collections d’ethnographie malheureusement mal mises en valeur. F.-A. N. H. G. : Depuis quand existe-t-il ? C. H. : Depuis les années 1960 par une décision d’Hô Chi Minh. Il prêtait un grand intérêt aux minorités. N’oublions pas qu’Hô Chi Minh est resté un certain temps chez les Nung dans la province de Cao Bang. De façon générale, il n’est pas inutile de rappeler que la constitution vietnamienne reconnaît les différentes populations du pays et la notion d’État multiculturel. F.-A. N. H. G. : Quelle est la force de la collection du musée du Dak Lak ? C. H. : Le musée du Dak Lak présente l’intérêt de montrer un grand nombre d’objets et de documents liés à des populations définies, s’étendant sur un territoire précis. Peu de musées consacrent, avec une telle profondeur de vue, huit cents mètres carrés à une province et à quelques populations. Il est extrêmement novateur pour le public de comprendre l’histoire de la province et de son peuplement – avec ses autochtones et ses immigrés – mais aussi sa biodiversité et l’impact des guerres du XXe siècle. F.-A. N. H. G. : Comment la campagne de collecte s’estelle déroulée et quelle est la politique d’acquisition du musée du Dak Lak ? C. H. : Ce musée est la réunion de trois ou quatre petits musées qui existaient déjà à Buon Ma Thuot et possédaient leur propre collection. Notre travail a donc consisté à compléter ce qui manquait vraiment. Nous avons même fait fabriquer des objets dans leur lieu d’origine. Même neuves, ces oeuvres sont réellement authentiques. C’est souvent le cas des objets d’ethnographie. Je donnerais comme exemple les objets liés au sacrifice du buffle. Certains, visibles dans les photographies de Condominas, ont été fabriqués sur demande dans le village où il séjourna durant ses recherches. Naturellement, c’est la directrice du musée, Docteur Luong Thanh Son, qui a dirigé toutes ces campagnes de collecte. F.-A. N. H. G. : Qu’est-ce que ce musée va changer, selon vous, dans les Hauts Plateaux du Centre et plus particulièrement dans la province du Dak Lak ? FIG. 19 (EN FOND DE PAGE) : Mosaïque de photographies des peuples des Hauts Plateaux du Centre, musée du Dak Lak. Photo © France-Aimée Nguyen Huu Giao. FIG. 20 et 21 : La terre rouge des Hauts Plateaux du Centre dévoilée lors des premiers travaux du chantier du musée du Dak Lak, avril 2008. Photo © Patrick Hoarau.
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