122 ART in situ ENTRETIEN AVEC Christine Hemmet En 2006, à la veille du vernissage de Nous avons mangé la forêt, au musée du quai Branly, Georges Condominas nous confiait : « J’ai enfin fait admettre que le contexte est capital. Christine Hemmet, commissaire de mon exposition a beaucoup innové et est allée bien au-delà. » Christine Hemmet, ethnologue spécialiste du Vietnam et ancienne responsable de l’unité patrimoniale Asie au musée du quai Branly est au coeur de l’élaboration du musée du Dak Lak et joue un rôle essentiel pour la conservation, l’étude et la diffusion du patrimoine vietnamien. Nous l’avons rencontrée en août 2012. France-Aimée Nguyen Huu Giao : Quel a été votre parcours ? Christine Hemmet : Après avoir soutenu une maîtrise à la Sorbonne, j’ai suivi le séminaire du Professeur Condominas à l’École des hautes études en sciences sociales. C’est lui qui, depuis longtemps, avait appelé de ses voeux la création d’un grand musée d’ethnographie à Hanoi. Il est probable qu’il avait réussi à convaincre les Vietnamiens de l’importance d’un tel projet car, quand je suis arrivée en janvier 1992, la construction du musée avait commencé. Il fut inauguré en 1997 durant le Sommet de la Francophonie. Consacré à toutes les populations du Vietnam, ce lieu manquait encore de tout. Aussi, dès mon arrivée, après avoir défini le contenu scientifique des expositions, je suis partie avec mes collègues vietnamiens auprès des populations des montagnes du Nord, pour faire des collectes. F.-A. N. H. G. : Jean-François Girault évoquait la longue et riche aventure muséographique de ces vingt dernières années entre le Vietnam et la France. Il me semble que vous avez orchestré l’ensemble de ces missions ? C. H. : En effet, le musée d’Ethnographie du Vietnam, à Hanoi, a fait démarrer en 1992 cette coopération dont le musée du Dak Lak fut l’épanouissement en novembre 2011. Au cours de cette période, nous avons participé à la création d’autres musées, en particulier le musée des Femmes du Vietnam, à Hanoi, dont le budget était totalement vietnamien. J’aimerais souligner que si la contribution financière de la France est très loin d’être négligeable, il convient de ne pas oublier que le gouvernement vietnamien a versé beaucoup d’argent dans ces différentes réalisations. F.-A. N. H. G. : Pouvez-vous donner d’autres détails quant à l’histoire de la collaboration entre la France et le Vietnam dans cette initiative et la réalisation du musée du Dak Lak ? C. H. : Oui, un aspect de cette histoire mérite d’être connu. Quand nous avons terminé le musée d’Ethnographie à Hanoi, j’étais consciente de l’importance de donner une suite à notre réalisation. Trop souvent, dans les coopérations, une fois le projet achevé, les différents acteurs de l’entreprise s’en vont et quittent les équipes en place beaucoup trop tôt. C’est dommage. Aussi, j’ai désiré suivre et continué d’aider les équipes que nous avions commencé à former. Nous les avons formées à exercer leur métier de muséographe, de restaurateur. À terme, je voulais parvenir à faire vivre une coopération tripartite qui réunirait la France, le musée d’Ethnographie de Hanoi et un musée de province pour une opération ciblée. C’est ce que nous avons réussi avec le musée du Dak Lak. En réalité, c’est le Dak Lak qui a demandé à prendre part à cette coopération. Le musée d’Ethnographie de Hanoi avait déjà beaucoup collaboré avec les équipes de cette province pour réunir leur propre collection d’objets. F.-A. N. H. G. : Est-il possible, selon vous, de comparer la collection du musée du Dak Lak avec d’autres grandes collections ethnographiques, vietnamiennes ou occidentales ? C. H. : Je ne compare pas, dans le domaine ethnographique, les collections vietnamiennes avec les collections des pays occidentaux. Si, par exemple, on regarde les collections du musée du quai Branly, elles sont issues de collectes réalisées pendant la période coloniale. À cette époque, toujours en ce qui concerne l’ethnographie, rien n’est resté au Vietnam. Les Vietnamiens ont commencé à réunir des collections beaucoup plus tard. C’est donc automatiquement moins bien – il n’y a pas de secret ! J’ajoute que le goût pour l’objet ethnographique est apparu bien plus tardivement au Vietnam. Si de belles collections d’art, d’histoire, d’archéologie existent depuis longtemps au Vietnam, en revanche, l’intérêt pour FIG. 17 : Christine Hemmet au musée du Dak Lak avant l’inauguration, novembre 2011. Photo © Vo Thi Thuong. FIG. 18 : Dr Luong Thanh Son, directrice du musée du Dak Lak, pendant le montage de l’exposition permanente, novembre 2011. Photo © Christine Hemmet.
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