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Penn Museum 109 travers le jeune artiste américain Charles Sheeler, qui travaillait pour le musée comme photographe depuis 1913, immortalisant le bâtiment ainsi que certains accrochages.17 À partir de 1916, Sheeler travailla aussi à la Modern Gallery, assistant de Zayas dans les tâches administratives, mais surtout photographiant les oeuvres exposées.18 Jusqu’en 1923, Sheeler photographia très souvent des masques et figurines africains pour de Zayas et ses clients, et exposa à plusieurs reprises ses clichés à la Modern Gallery (fig. 19). Cette activité intense, ainsi que le goût notoire de Sheeler pour l’art africain, pourrait expliquer que Gordon ait sollicité ce dernier pour organiser une exposition d’art africain au PM en février 1918. La documentation sur cet événement majeur est pauvre, bien qu’il fut en réalité la première exposition d’art africain organisée dans un musée. Pour tout trace figurent une lettre de Sheeler au collectionneur John Quinn annonçant la date d’ouverture,19 un court paragraphe dans le Museum Journal ne mentionnant pas Sheeler,20 et plusieurs articles parus dans divers journaux (fig. 21). Les coupures de presse conservées ne parlent pas de l’accrochage, mais rendent plutôt compte de l’incompréhension et du racisme latent du public de Philadelphie.21 Les illustrations qui y parurent eurent cependant le mérite de montrer la place primordiale accordée dans l’exposition aux acquisitions de Gordon depuis 1912. Gordon étant au courant des nouvelles tendances artistiques et de l’évolution quant à l’appréciation de l’art africain, il visita non seulement les boutiques d’Oldman et Umlauff lors d’un voyage de collecte en Europe en juillet 1919, mais se rendit aussi à Paris afin de rencontrer les deux marchands responsables de la diffusion des objets circulant sur le marché new-yorkais de l’art : Paul Guillaume et Charles Vignier. Comme beaucoup d’autres marchands européens de l’époque, il semble que Guillaume et Vignier se procuraient des oeuvres africaines essentiellement auprès de sources coloniales, soit des administrateurs de colonies, soit des navires marchands venant de ces dernières. Guillaume s’employait à publier des annonces dans les journaux coloniaux, atteignant ainsi les administrateurs français susceptibles d’avoir rapporté des objets lors de leurs missions sur le terrain. Ceci étant, et tout comme pour Vignier, nous ne connaissons avec certitude que deux de ses sources : le marchand parisien Joseph Brummer, qui lui avait vendu une de nombreuses oeuvres africaines en 1913, juste avant que Vignier n’expose sa propre collection aux galeries Levesque à Paris,22 et l’officier colonial Joseph Van den Boogaerde, qui fournit au moins trois oeuvres qu’il avait personnellement récoltées dans l’est du Congo, entre 1913 et 1916 (fig. 20). Parmi les marchands qui envoyaient de l’art africain vers les États-Unis, le plus actif était certainement Guillaume FIG. 13 : Figure féminine. Peuple luluwa, République démocratique du Congo. Bois. H. : 24 cm. Collectée sur le terrain par Leo Frobenius dans l’État indépendant du Congo, vers 1905. Achetée à J. F. G. Umlauff, Hambourg, 1912 (AF 628). Avec l’aimable autorisation du Penn Museum. Bwanga bwa bwimpe est le nom d’un culte luwula por lequel l’on utilisait habituellement d’une figure féminine tenant une coupe remplie de craie blanche dans une main et parfois un pilon dans l’autre. Celle-ci se caractérise par des motifs de scarification reproduits en bas-relief sur la peau. La patine croûteuse est obtenue avec une mixture de terre rouge, de craie et d’huile. L’attention portée à la beauté physique qu’attestent de telles sculptures est rendue explicite par le terme vernaculaire bwimpe, désignant la beauté comme un signe d’intégrité morale. Le culte bwimpe était destiné à protéger et encourager la fertilité d’une jeune mère ainsi que la beauté et la santé de son jeune enfant ou nouveau-né. C.P. FIG. 14 : Panier avec couvercle. Probablement du peuple kongo, République démocratique du Congo ou Angola. Fibres végétales (rotin séché et naturel et / ou raphia), bois ou écorce, tressage en serge. H. : 28 cm. Collecté sur le terrain par Leo Frobenius dans l’État indépendant du Congo, vers 1905. Acheté à J. F. G. Umlauff, Hambourg, 1912 (AF 1835A). Avec l’aimable autorisation du Penn Museum. Bien que peu d’exemplaires aient été exportés depuis l’Afrique centrale, les paniers à couvercle du XVIIe siècle du royaume kongo figurent parmi l’une des plus anciennes manifestations documentée de la production textile de la région. Avec leurs parois et couvercles confectionnés à l’aide de bords tressés reposant sur une solide structure interne en bois ou en écorce, ils ont été produits jusqu’à la fin du XXe siècle. Leur aspect et leur élégance suggèrent qu’au-delà des articles de valeur qu’ils renfermaient, ils servaient aussi d’objets de prestige pour les élites et les chefs. Il n’est pas impossible que de très beaux paniers cylindriques aient été également liés à des croyances et pratiques religieuses, et aient servi à contenir des figures ancestrales, les reliques d’un clan, et des tenues sacrées. Leur forme et les motifs complexes ornant leur surface ont également une signification symbolique et métaphorique. Pour plus d'informations, voir en particulier Vanessa Drake Moraga. Weaving Abstraction. Washington, D.C. : The Textile Museum, 2011. C.P.


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