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PORTFOLIO Le carnet de Robert Lebel Nous nous sommes jetés dans l’atmosphère poétique des masques eskimo, nous respirons l’Alaska, nous rêvons Tlingit et nous nous aimons dans les mâts totémiques haïda. Carlebach de la 3e Avenue comble nos désirs. Et nous payons. Robert possède une collection splendide. Dolores dépense une fortune et André a réussi l’exploit de faire les deux. Isabelle Waldberg, c. 1944. L’histoire est bien connue. Pendant la Seconde s’exilent à New York, parmi lesquels André Breton, Max Ernst, Roberto Matta, et Isabelle et Patrick Waldberg. Autour d’eux gravitent des personnalités comme Claude Lévi-Strauss, Enrico Donati, Georges Duthuit, Dolores Vanetti et Robert Lebel. C’est à Ernst que l’on doit la découverte de la galerie de Jules Carlebach (située à l’époque au no943 sur la 3e Avenue). exposée en vitrine, Ernst pénètre dans la galerie et y 134 particulier celui du Grand Nord, qui allait les marquer profondément dans leur pensée et leur travail. Aussi surréaliste que ses protagonistes, cette histoire frise la légende. Les faits sur lesquelles elle repose s’avèrent bien plus intéressants que le récit qui en fut fait. Bien qu’important, l’épisode relaté n’est nullement le premier contact des surréalistes avec l’art du nord de l’Amérique. Cet intérêt pour le Grand Nord existait dès les débuts du mouvement, comme l’atteste la « Carte surréaliste du monde » (fi g. 15), publiée pour la première fois en 1929 dans un numéro spécial de la revue belge Variétés, bien que probablement esquissée quelques années auparavant par Paul Éluard. Bien que cela puisse prêter à des interprétations différentes, les régions que les surréalistes appréciaient (et dont ils collectionnaient les objets) occupent un vaste espace sur la carte. L’Océanie, source d’inspiration pour les surréalistes, jouit d’une position centrale et est démesurée, tandis que l’Europe se voit réduite et reléguée dans un coin. L’Afrique, infl uence avérée des artistes de la modernité, est minuscule. La Russie occupe une place majeure en tant que source d’inspiration politique. Quant à l’Amérique du Nord, elle se compose entièrement de l’Alaska et du Labrador, sous un Groenland tout aussi prédominant. Deux autres éléments confi rment que l’art de l’Arctique était bien connu des surréalistes dès les premières heures du mouvement. Nous savons FIG. 1 (À GAUCHE) : (1890- 1976), vue de l’installation de l’Exposition du Surréaliste d’Objet, organisée à la galerie Charles Ratton, Paris, en mai 1936. © Man Ray Trust/ADAGP. FIG. 2 (CI-DESSUS) : Couverture du carnet de dessins de Robert Lebel (1901-1986), c. 1942-1946. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris, don de Jean-Jacques Lebel, inv. 70.2007.11.1. © Musée du quai Branly – Jacques Chirac. © Jean-Jacques Lebel. pour tous les dessins du carnet reproduits. FIG. 3 (À DROITE) : Marcel Duchamp et Robert Lebel (à droite) vus à travers la sculpture de Duchamp, Roue de bicyclette, c. 1959. © et photo de Carol-Marc Lavrillier (né en 1933). Par Sebastian Miller Guerre mondiale, des surréalistes européens Attiré par une cuillère de la Côte nord-ouest découvre d’autres oeuvres de la Côte nord-ouest, ainsi que de rares masques yup’ik d’Alaska. Il tente de ne pas ébruiter le secret, mais ses amis ne tardent pas à dénicher l’endroit et, étant eux-mêmes collectionneurs, se délectent de ce qu’ils y trouvent. Ils découvrent bien vite que les objets indigènes d’Amérique du Nord qui les intéressent proviennent pour la plupart de la Heye Foundation. Ils mettent alors la main sur le conservateur du musée, le saoulent dans l’appartement de Peggy Guggenheim, puis s’engouffrent dans des taxis, direction l’entrepôt du musée, dans le Bronx, où ils acquièrent d’autres merveilles. Le critique d’art Robert Lebel tenait à l’époque un carnet de dessins, dont certaines pages sont reproduites ici. Il y documentait les objets arctiques et consignait toutes sortes d’informations relatives aux masques yup’ik qu’ils achetaient. C’est ainsi que les surréalistes ont découvert l’art indigène d’Amérique, en


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