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77 des parties de la maison ou des moments précis se déroulant pendant sa construction. Située à l’entrée, cette section présente par ailleurs le sujet de prédilection de l’art marquisien, le corps humain, qui apparaît en entier ou en partie dans presque toutes les expressions artistiques de l’archipel. L’importance des tiki est également soulignée (fi g. 2 et 3). Ces statues à la forme humaine représentaient généralement des ancêtres déifi és ou, parfois, d’autres dieux. Elles étaient sculptées dans des matériaux variés : pierre, bois, os humains ou ivoire (provenant habituellement de mammifères marins). Le corps humain lui-même servait de support artistique : telle une toile, la peau était tatouée, tandis que les os et les cheveux étaient utilisés en guise de décorations pour les individus de haut rang. Les tiki marquisiens ont un style particulier. Ils se présentent de face, sont trapus et ont les genoux fl échis. Les bras sont proches du corps et les mains reposent en général sur un ventre protubérant. La tête, partie du corps la plus sacrée – ou tapu –, est toujours démesurée : elle peut représenter un tiers, voire près de la moitié de la taille du corps. Le visage est caractérisé par des sourcils arqués, de grands yeux dont le contour est souvent prononcé, un nez aplati et une grande bouche élargie. La première partie s’intéresse également de près à la place de l’art, de la généalogie et de l’individu au sein d’une société stratifi ée et hiérarchisée. En réalité, « généalogie » est encore une autre signifi cation du mot mata : les termes mata ènata / mata ènana se rapportent aux membres de la famille ou aux ancêtres. Le fait de réciter la généalogie est exprimé par mata tetau, littéralement « lire ou compter les visages », en l’occurrence ceux des ancêtres. La généalogie était importante pour les Marquisiens, comme dans d’autres cultures de Polynésie, car la place d’un individu dans la hiérarchie était déterminée par sa relation avec les ètua (les dieux, en général des ancêtres déifi és) et le hakaìki, ou chef suprême, qui était le descendant direct des dieux et la personne la plus haut placée dans la tribu. Les généalogies étaient récitées lors de toutes les fêtes de famille et autres manifestations importantes (fi g. 16). Cet éclairage permet de mieux comprendre l’importance du visage et des yeux dans l’art marquisien. L’artiste Paul Gauguin, qui vécut aux Marquises de 1901 à 1903 et y mourut, décrivit d’ailleurs l’art marquisien en ces termes : « La base de cet art réside dans le corps humain et surtout dans le visage. On est toujours surpris de déceler un visage là où l’on ne voyait qu’une étrange forme géométrique. C’est toujours pareil et pourtant jamais pareil. 2» Si Gauguin faisait allusion à des sculptures datant de la fi n du XIXe siècle, notamment des récipients, c’est dans les


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