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OBJECT history 124 nez et sur le menton, il reste quelques traces noirâtres. Sur les tempes, les oreilles sont marquées par des pavillons en léger relief, mais curieusement en position inversée, l’hélix étant ouvert vers l’arrière, de signifi cation inconnue. Au sommet du front, deux cornes surgissent, de volume aplati et de forme incurvée, telles des « oreilles de lapin ». Ces cornes sont peintes de bandes transversales rougeâtres et blanches. À noter la présence de deux tiges de métal forgé, plantées comme des « antennes » en arrière des cornes, de signifi cation inconnue. Concernant ces « cornes », on peut aussi penser à des éléments de coiffure, à rapprocher des étonnantes coiffes rembourrées à deux grosses « cornes » des femmes galwa du XIXe siècle, observées par les voyageurs. Chez les Tsogho des monts du Chaillu (jadis installés sur la moyenne Ngounié, non loin de la zone d’étude qui nous intéresse), on connaît quelques masques « à cornes », de même que chez les Punu et Lumbu du Sud-Gabon. Ce détail iconographique n’est donc pas si étrange dans son contexte régional, surtout si on élargit la perspective historique. En effet à cet égard, un test d’ancienneté du bois indique un âge impressionnant, qui ferait de cet objet l’un des plus anciens masques de bois connus en Afrique noire. Le Dr Bonani du laboratoire ETH de Zurich, bien connu pour la qualité de ses datations, a daté en 2000 un échantillon de bois provenant de ce masque de quelque trois siècles, plus précisément 315 années +/- 45 BP (before present), soit un âge calibré AD des années 1473 à 1662 (XVIe-fi n XVIIe siècle). Même en considérant la marge d’erreur inhérente à ce type de test, cette datation est tout à fait exceptionnelle. L’identifi cation botanique révèle que ce masque est constitué de Vitex, un bois très répandu dans l’Afrique intertropicale (Doniana ? ou Ciliata ou Grandifolia ? – soit un « prunier noir » dont le nom local aurait été evino en langue myènè des lacs ou evul en langue fang – (Raponda-Walker et Sillans 1961 : 245). Les pigments appliqués sont d’une part de l’argile blanche pemba (kaolin) et d’autre part de l’ocre rouge mondo, complété de noir (charbon de bois). Quant aux « antennes » de fer forgé, plantées en arrière des cornes, rien ne permet d’en deviner le symbolisme. Tout au plus peut-on remarquer que l’emploi du fer pour compléter l’ornementation des masques du Gabon est rarissime. Comme il est dit plus haut, cet objet peut provenir de l’un ou l’autre des peuples de la région, en mouvement dans le Bas-Ogooué depuis plusieurs siècles, sans que sa facture puisse être vraiment raccrochée à un style précis des expressions sculptées des XIXe et XXe siècles (Galwa, Fang, Eshira, Duma, Punu, Tsogho, Kande, voire Pygmées). En tout cas, ce vénérable masque, marqué de ses aplats de couleur, laisse une impression étrange qui nous renvoie aux rites mystérieux des peuples de la grande forêt, ceux « emprunter » un masque ou un rite à des voisins, y compris de langue différente, dès lors qu’on supposait qu’ils seraient encore plus effi caces que ceux déjà employés. VERS UNE ATTRIBUTION INCERTAINE Avec ses cornes renvoyant à la sculpture animalière des peuples du Gabon oriental et notamment de certains Kwele présentant des cornes d’antilope, souvent enveloppantes, mais aussi à quelques masques « blancs » des Punu-Lumbu, le petit masque objet de cette étude (fi g. 1) s’impose comme un spécimen atypique. Conservé dans une collection privée européenne, il provient de la région de Lambaréné, sans que pour autant on puisse l’identifi er comme « Galwa ». De facture assez fruste, il présente un petit visage vaguement ovalaire, doté d’un nez proéminent en « nasal » formant aussi le centre du front, de deux yeux circulaires et d’une bouche rectangulaire percés. La partie frontale, arrondie, est colorée d’un pigment rouge-orangé tandis que le bas du visage est blanchâtre, enduit de kaolin. Sous le


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