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nedekere et nedjirimbo des Bari et des Mangbele (fi g. 24 et 25), les aba des Madi aux volutes profondément inscrites (fi g. 28), l’énorme dingbu des Barambo (fi g. 21) servant à conserver les termites destinées à la consommation, les pots à bière kede des Bangba à panse arrondie et à haut col (fi g. 29), les akoro pour l’eau ou la nourriture pourvus d’une triple anse de certains groupes zande et ababua de l’Uele (fi g. 22) ou bien encore la naengo, très raffi née et rare, en forme de pirogue des Makere2 (fi g. 27). Au nombre des admirables céramiques collectées par Hutereau se trouvent aussi des exemplaires kango. Ces spécimens, comme le pot de cuisine belima de la fi gure 31, permettent de s’éloigner quelque peu du domaine des données de collecte d’une concision austère pour peu qu’on les mette en rapport avec les écrits d’Alphonse de Calonne-Beaufaict (1881-1915). Ce dernier était un ingénieur électricien et mécanicien qui devint en 1905 directeur du service des transports automobiles dans l’Uele. Honnête homme au sens propre du terme, il s’intéressa également durant ses années universitaires à diverses sciences humaines et sociales (philosophie, littérature…). Son caractère curieux put se manifester lors de son travail dans l’Uele. Le temps libre qui lui était alloué était consacré à l’étude des cultures du nord-est de l’État Indépendant du Congo qu’il côtoyait. En 1912, il publia un livre de « tendre ethnographie » intitulé Études Bakango. C’est dans cet ouvrage que se trouve certainement l’un des plus beaux témoignages d’amour envers la céramique africaine de ce début de XXe siècle reposant sur un entretien qu’eut l’ingénieur avec une potière kango du village de Veregwange (De Calonne-Beaufaict 1912 : 105-107) : « Sous ses doigts tremblants, l’argile se façonnait en vases à formes multiples mais presque toujours délinéés par une courbe sûre et élégante… je voyais se dessiner, peu à peu, ces mbéka (pots) que j’avais vus en utilisation chez tous les Bakango d’amont ». La naissance de ces poteries et de leurs décorations fascinait l’ingénieur qui demanda à la potière le pourquoi 106 (DE GAUCHE À DROITE) FIG. 21 : Contenant à termites dingbu. Barambo, RDC. 45 x 41 cm. Collecté au début des années 1910 par A. Hutererau. MRAC, n° inv. EO.0.0.11110. FIG. 22 : Pot à eau akaro. Chefferie Karavungu (Zande, Ababua de l’Uele), RDC. 23 x 32 cm. Collecté au début des années 1910 par A. Hutererau. MRAC, n° inv. EO.0.0.14026. FIG. 23 : Pot à eau ou à vin. Bwende ?, Bas-Congo, RDC. 23 x 22 cm. Collecté avant 1897. MRAC, n° inv. EO.0.0.3971. FIG. 24 : Carafon à eau nedekere en forme de courge. Bari, RDC. 37 x 17 cm. Collecté au début des années 1910 par A. Hutererau. MRAC, n° inv. EO.0.0.10104. FIG. 25 : Pot nedjirombo. Mangbele, RDC. 21 x 19 cm. Collecté au début des années 1910 par A. Hutererau. MRAC, n° inv. EO.0.0.11592. FIG. 26 (PAGE DE DROITE) : Pot naengo. Makere, RDC. 32 x 29 cm. Collecté au début des années 1910 par A. Hutererau. MRAC, n° inv. EO.0.0.5992. de ces ornements. L’ethnographe sommeillant en de Calonne-Beaufaict espérait-il une réponse teintée de rites et d’iconographie empreinte d’un sens profond ? Espéraitil une explication utilitaire comme celle avancée par G. Schweinfurth au XIXe siècle3 ? Peut-être, mais, dans tous les cas, il n’en fut rien. La réponse de la vieille femme sonna comme une évidence : « Ma mère les faisait ainsi… j’en ai tant façonné et ne trouves-tu pas que c’est beau ? » La rencontre entre la potière de Veregwange et l’ingénieur connut un épilogue. Au lendemain de cet épisode, A. de Calonne-Beaufaict trouva devant sa tente une série de jarres laquées qu’avait apportée comme présent l’artiste à ce curieux Européen qui, par une fi n de journée tranquille, s’était intéressé à d’argileuses naissances. CONTENANTS À GOULOTS MULTIPLES Quelques cultures de RDC faisaient usage de sortes de gargoulettes à double goulot utilisées pour conserver l’eau ou d’autres liquides. On peut ici citer le cas des mesemano des Fuliru (fi g. 32). Cependant, la plupart des cultures adeptes de ces céramiques atypiques à goulots multiples (de deux à cinq) les destinent plutôt à des usages rituels. Les Luluwa connaissaient ainsi le fétiche mpamba qui était matérialisé par un pot à cinq goulots dans lequel on plaçait certaines racines d’arbres arrosées d’eau. Si une personne désirait voir prospérer son commerce, elle payait une petite somme d’argent au propriétaire du mpamba afi n d’obtenir la permission de boire un peu de la mixture contenue dans le récipient pour réussir dans les affaires. Les voisins des Luluwa que sont les Kete connaissaient aussi un charme se matérialisant par une céramique à cinq goulots. Il s’agit du fétiche kabumba dont l’usage différait selon l’orifi ce par lequel on versait la potion (fi g. 33). Plus à l’est, chez les Luba et lubaïsés de l’entre Kisale- Moero, G. De Witte collecta plusieurs exemplaires de


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