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139 FIG. 16 (CI-DESSUS) : Statue. Ashanti, Ghana. Bois. H. : 37 cm. Photo : Alberto Ricci. Les trois commissaires, Nicolas Menut (responsable des acquisitions documentaires au musée du quai Branly, auteur de L’Homme blanc aux éditions du Chêne, et aussi un ami), Christophe Flubacher (directeur scientifique de la Fondation Pierre Arnaud) et moi-même avons eu à coeur de porter sur le sujet un regard neuf, certes, mais avant tout rigoureux et scientifique. Nous avons donc demandé en prêt des pièces importantes pour étayer le discours de l’exposition. C’est ainsi que le visiteur peut y découvrir des bronzes du royaume du Bénin provenant du musée de Dresde, une salière sapi du musée des Beaux- Arts de Dijon (fig. 12), des objets venant du Louvre, du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, de plusieurs autres grands musées et de collections particulières… T. A. M. : Comment en êtes-vous venu à collectionner cette forme d’art ? Vous vous êtes intéressé d’abord aux arts traditionnels d’Afrique, d’Océanie et d’Indonésie… A. W. : Oui mais non. J’ai commencé par m’intéresser à la peinture et aux arts décoratifs européens, à l’art brut. Ma prochaine publication sera d’ailleurs consacrée à une collection de bouteilles extravagantes ; je suis souvent au deuxième, au troisième degré – ce que les gens ont du mal à comprendre. Pour ce qui est de l’art tribal, j’y suis venu assez tôt – et bien sûr par des chemins de traverse. Quant à l’art colon, j’y suis arrivé par hasard. Le petitfils d’un peintre nommé Capon m’offrit le premier objet (fig. 10). Ça ne ressemblait à rien de ce que j’avais – je n’avais d’ailleurs à l’époque pas grand-chose, étant fort peu argenté et assez sorteur dans la nuit parisienne, ce qui coûte ! Peu de temps après un ami, de retour d’Afrique, me ramena une cuillère dan habillée d’une charmante petite culotte. Par leur singularité, ces deux objets ont éveillé ma curiosité. Même si je n’en avais pas pleinement conscience à l’époque, ce qui m’intéresse est ce qui suscite en moi des interrogations. J’ai eu la chance d’être formé, alors que je travaillais au Musée des Arts décoratifs, par François Mathey, son conservateur en chef. Il cultivait une approche de l’art, dans le sens le plus large, singulière et volontiers paradoxale. Il passait de l’art contemporain à l’art brut, inventait des expositions comme le « sucre d’art » ou des confrontations comme « Équivoques » sur la peinture académique de la fin du XIXe siècle. Je lui dois beaucoup. T. A. M. : Comment faites-vous vivre votre collection ? Quel avenir voyez-vous pour elle ? A. W. : Tout d’abord, je tiens à dire que je me qualifierais plus volontiers d’amateur que de collectionneur, même si le résultat final est une collection. Je ne suis pas compulsif, c’est toujours mon intuition qui me guide. Voir une partie de ma collection exposée et avoir pu écrire sur le sujet est évidemment satisfaisant : mais ce n’est pas le couronnement d’une vie. Je suis convaincu que l’art colon aura toujours ma sympathie, mais je resterai avant tout réceptif à ce qui éveillera ma curiosité. Mes acquisitions, quelles qu’elles soient, seront cohérentes en ce qu’elles fuiront les conventions. Elles répondront à des véritables choix et non pas à un laisser-aller conformiste qui préside souvent à la décision de gens qui, par manque d’amour, d’imagination et de jugement se laissent entraîner dans des systèmes répétitifs voire spéculatifs. Pour ma part, vu la faiblesse de mes moyens, si je veux acheter des objets de qualité, je dois sortir des sentiers battus – il y a des tonnes de petits chefsd’oeuvre à découvrir si on les cherche. Acheter des objets médiocres en suivant la mode ou une liste de noms d’artistes convenus n’a pas de sens pour moi : je paraphraserai le grand antiquaire Nicolas Landau en disant que le beau sera toujours très très loin du très beau. Vouloir se rassurer est un choix – pas le mien : ma démarche est résolument poétique. PAGE PRÉCÉDENTE FIG. 13 (À GAUCHE) : Marionnette recueillie par l’intrépide Stéphane Brosset dans les faubourgs de Kinshasa, R. D. Congo. FIG. 14 (EN HAUT) : Georges Schoeffer Boussembo, chef Baloumbo (à gauche) et Maroumbi, chef Bayaka (à droite). Gabon, janvier 1911. Photographie argentique sur papier. Collection Éric Deroo. FIG. 15 (EN BAS) : Photographie d’Armand Joseph Oscar Hutereau du Chef Monga dit Bula-Matadi. Ubangi, R. D. Congo.. Collection Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren. Alain Weill


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