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135 FIG. 4 (À DROITE) : Militaire. Igbo, Nigeria. Bois. H. : 64 cm. Photo : Alberto Ricci. FIG. 5 : Détail du même objet par Nicolas Bruant. sont apparus dès lors comme la norme, alors que tout compte fait ils forment un corpus assez restreint. C’est ainsi qu’au fi l du temps, les marchands d’abord, puis les conservateurs de musées et les collectionneurs ont alimenté l’idée que l’art africain c’était ça – des fang, des kota, des dan – et que c’était immuable, les sociétés secrètes tout comme les cérémonies de villages utilisant toujours selon eux les mêmes typologies de masques ou de fétiches. Or cette vision est tout à fait erronée. Les Africains, quand les Européens ont commencé vraiment à s’installer sur le continent au XIXe siècle, ont utilisé deux armes qui ont toujours été les leurs : l’humour et, surtout, une faculté à agréger, à faire rentrer dans leurs représentations tout ce qu’il y avait de nouveau, comme l’a prouvé Susan Vogel. À l’époque, il était déjà possible aussi de déceler une évolution dans la production des sculpteurs africains. FIG. 6 (CI-DESSOUS) : Figure de femme en train de coudre Akan, Ghana. Or à bas titre. H. : 13 cm. Photo : Alberto Ricci. Ainsi il fallait offrir des hauts de forme, des bicornes ou des tuniques rutilantes aux chefs pour obtenir qu’ils signent un traité. Logiquement, on a très vite vu les autels se remplir de statuettes arborant chapeau-claque ou casque colonial, symboles de pouvoir. Quand se sont installés colons et missionnaires, ils ont de même été représentés sur des masques ou des fétiches placés dans les autels et dansant dans les cérémonies de villages. Quand sont apparues les bicyclettes, les sculpteurs africains les ont bien sûr intégrées ! Refuser cette évolution, ce serait comme vouloir fi ger l’art occidental à la représentation des personnages de profi l des Égyptiens. Donc absurde. Mais cette conception de l’art nègre (fi nalement moins péjorative que primitif) convenait parfaitement à ceux qui avaient créé ce marché ; leur manque de curiosité, leur condescendance raciste est claire : qui s’est soucié dans tout ce joli monde d’aller en Afrique ou, au moins, d’essayer de mettre


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