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Maine Durieu Pierre Langlois 154 À Paris dans les années quatre-vingt, tu ouvris une galerie quai des Grands-Augustins, à l’orée du carré magique des arts premiers. Tu fi s partager, pendant de longues années, ta personnalité singulière et tes goûts à nombre de collectionneurs, qui fi rent leur miel de tes trouvailles. En 2005, tu mis en lumière les Gan à travers une sublime exposition La spirale du serpent. Tu appartiens à cette famille de marchands qui sont des passeurs. Passeurs de connaissances, de rêves et d’émotions. Rue Visconti, ta dernière adresse professionnelle, fut le théâtre de quelques beaux évènements : Au fi l de l’eau, Salon de Beauté, Presque rien, Sacrés Baoulé. Au revoir ma belle Marseillaise. Que les monts du Vercors, au pied desquels tu reposes aujourd’hui, te protègent à jamais. Serge Le Guennan Maine Tu nous as quittés si vite, sur la pointe des pieds, presque sans prévenir. L’autre jour à l’église Saint-Roch, il y avait une foule recueillie, émue, et sincèrement bouleversée pour accompagner ton dernier voyage. Le voyage tu l’avais commencé dans les années soixante, au Niger d’abord puis au Zaïre et enfi n en Côte d’Ivoire. C’est à Abidjan que tu as débuté ta carrière de marchande. À l’écart des grands courants de la sculpture africaine, reconnue et consacrée par le goût occidental, tu as trouvé chez les Lobi, un chemin qui te ressemblait. À propos de leur statuaire tu écrivais : « La sculpture lobi est avant tout une sculpture vérité. Ce n’est pas un art esthétisant, l’homme est présent avec ses défauts, ses déformations, mais son regard porte toujours au loin et son allure est infi niment digne. » Je me demande si ta tante, Germaine Richier, ne t’avait pas secrètement instillé sa philosophie de la sculpture. Pierre Langlois est mort. Il est parti comme il le voulait, discrètement et sans faire de bruit. Sa disparition sonne la fi n des marchands d’art primitif qui allaient sur le terrain pour rapporter les pièces qu’ils vendraient chez eux. Pierre Langlois, né à Lille en 1927, n’apprécia guère l’école car la guerre de 1939-1945 avait rendu la vie diffi cile. Il décida de s’engager dans l’armée qui l’envoya en Cochinchine restée assez calme. Rentré en France, il travailla un peu avec son père, représentant en spiritueux, se liant avec des jeunes gens sympathiques qui discutaient de l’art : Evrard, libraire, Dodeigne, sculpteur, Leroy, peintre ; nouvel horizon pour lui. L’un d’entre eux lui parla d’un livre étonnant : Dieu d’eau de Marcel Griaule, chef de la mission Dakar-Djibouti qui portait sur les Dogon, mystérieuse tribu du Mali. Vivement Intéressé, Langlois prit le bateau pour Abidjan et monta en camion jusqu’au pays Dogon, se liant vite avec les jeunes gens qui l’emmenèrent dans les falaises, où étaient les tombes remplies de sculptures. De retour à Lille, son ami Evrard lui expliqua qu’il fallait monter une belle exposition accompagnée d’un catalogue. Evrard vendit la collection à un amateur averti et l’ensemble fut exposé à La Hune en novembre 1954. Devant ce succès, Langlois, ayant fait la connaissance du marché de l’art et devenu amateur de livres anciens de voyages, décida d’entreprendre des expéditions de collecte. Il partit aux Nouvelles Hébrides et rapporta de magnifi ques fougères représentant des ancêtres. C’est à ce moment que Henri Kamer et moi-même avons entendu parler de lui. Nous nous sommes rencontrés à Lille, puis à Paris, après avoir acheté les plus beaux de ses totems. Ces pièces arrivèrent à New York, où nous étions déjà installés, et furent vite achetées par Robert Goldwater, directeur du musée Rockefeller, et Newton, son conseiller pour l’Océanie. Après un rapide voyage au Mexique, il décida d’y retourner et nous demanda de participer aux achats. Je le rejoignis à Mexico. Nous achetâmes les objets. De retour à New York où je restai, il retourna à Paris ayant fait la connaissance d’une jeune femme, Denise, partant en vacances aux États-Unis. Ils vinrent nous voir à Cannes où l’on fi t de grandes virées en bateau (San Remo) ; ce furent de bonnes vacances. Notre affaire marchait bien, et lors de la vente de la collection d’Helena Rubinstein à New York – véritable événement – les Langlois s’installèrent chez nous. Peu de temps après, ils eurent un fi ls. Je pensai que Henri, moi-même et Langlois pourrions nous associer en ouvrant une galerie à Paris, ce que nous fîmes le 11 octobre 1966. De sa dernière expédition Langlois avait rapporté de magnifi ques poteaux des îles Salomon et ceux-ci furent exposés avec succès à l’ouverture de la galerie Kamer de New York ; Langlois pensa à Madagascar pour une nouvelle expédition et il y trouva de très belles statues. Après mon divorce d’Henri Kamer, l’association se brisa. À partir de HOMMAGE


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