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PORTFOLIO Le regard photographique de Max Schmidt 142 Enfants de la forêt Les trente premières années du XXe siècle sont fondamentales pour comprendre le changement de paradigme survenu dans le domaine de l’anthropologie et, dès lors, dans la pratique de la photographie par les ethnographes. Au cours du XIXe siècle, l’anthropologie physique était focalisée sur la collecte de données quantitatives destinées à l’identifi cation des différentes races peuplant la surface de la Terre. En revanche, le début du XXe siècle a vu les chercheurs commencer à s’intéresser à la culture matérielle, à la langue, aux systèmes de parenté ainsi qu’aux représentations collectives des sociétés dites à l’époque « primitives ». Cette transformation n’a toutefois pas été si simple et de nouveaux défi s ont fait leur apparition. En effet, comment rassembler toutes ces informations sans les dénaturer ? De quelle façon le chercheur, investi d’une autorité scientifi que, peut-il mettre de côté ses préjugés et observer la vie quotidienne des indigènes à la manière d’un physicien observant un phénomène microscopique ? Max Schmidt fait partie des anthropologues qui ont été les artisans et les acteurs de ce changement de mentalité. Infl uencé par l’école allemande d’anthropologie, en particulier par Adolf Bastian et Karl von den Steinen, il a rejeté « l’anthropologie de cabinet » – qui voyait l’anthropologue travailler dans son bureau en exploitant des données collectées par des voyageurs, des explorateurs, des agents commerciaux, etc. – et a insisté sur la nécessité du travail ethnographique de terrain. Fondés sur le principe de l’unité psychologique de l’espèce humaine, deux éléments caractérisent l’épistémologie de Schmidt : tout d’abord, l’importance qu’il confère à la langue comme outil essentiel à la compréhension d’une culture et, deuxièmement, l’intérêt qu’il porte aux rapports entre la culture et son environnement 1. (1900-1935) Par Hasan G. López Sanz Adolf Bastian, l’un des fondateurs de l’ethnologie allemande, a contribué à la création en 1869 de la Société berlinoise d’anthropologie, d’ethnologie et de préhistoire, dont Schmidt était un membre actif, et en 1873 du Musée d’ethnologie de Berlin, centre de recherche de l’ethnologie allemande. Karl von den Steinen a quant à lui encouragé Schmidt, animé également par un esprit romantique et une certaine soif d’aventure, à entamer en 1900 des recherches dans la région du Mato Grosso au Brésil. Ces recherches connaîtront leur point d’orgue en 1917 lors de la publication de sa thèse de doctorat, « Les Arawak », étude ethnoculturelle portant sur la diffusion culturelle de cette famille linguistique en usage dans cette zone de la forêt tropicale et sur la dispersion ethnique des villages de culture néolithique, autrement dit : sur la répartition géographique des ethnies ayant abandonné la chasse et la cueillette en faveur de l’élevage et de l’agriculture. Avant Schmidt, d’autres Allemands avaient visité la région. Paul Ehrenreich avait sillonné le Rio Xingu entre 1884 et 1885 et avait accompagné Steinen lors de son second voyage dans la région en 1887. Hermann Meyer et Theodor Koch-Grünberg s’y rendront eux aussi un peu plus tard. Selon Schmidt lui-même, « les résultats des quatre expéditions allemandes dans la région du Rio Xingu, qui se sont succédé à brefs intervalles, m’ont fait comprendre que les sources de ce fl euve constituaient la région la plus appropriée pour rencontrer les enfants de la forêt 2. » En 1918, Schmidt est nommé professeur d’ethnologie à l’université de Berlin puis en 1919 directeur du département sud-américain du Musée d’ethnologie de la ville. Dix ans plus tard, il renoncera à ses fonctions pour s’installer dans la ville brésilienne de Cuiabá, située aux portes de la forêt amazonienne. En 1931, à la demande du Dr Andrés Barbero, il devient directeur du Museo de Etnografía e His- FIG. 1 (À GAUCHE) : Max Schmidt (à gauche, assis) en Allemagne. Non daté. FIG. 2 (CI-DESSOUS) : Feuillet d’un carnet de notes de terrain de Max Schmidt. PAGE DE DROITE FIG. 3 : Vieillard niclavé portant un chapeau, des colliers, des bracelets, un sac en cuir et un chiripá tissé. Esteros, 1935.


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