Page 139

T76Fr_internet

JOSÉ BEDIA 137 T. A. M. : Qu’est-ce qui vous a poussé à collectionner et comment vous y êtes-vous pris pour constituer l’ensemble d’oeuvres que vous possédez ? Des voyages de collecte et de recherche sur le terrain ou des mentors à dévoiler ? J. B. : J’ai commencé à collectionner les arts tribaux après l’obtention de mon diplôme artistique en 1976. Mes premiers objets ont été des artefacts fabriqués avec des coquillages par la culture Siboney, un peuple très ancien de mon Cuba natal. Petit à petit, ma collection s’est étoffée avec des objets africains et afro-cubains principalement, mais aussi océaniens et amazoniens, dénichés à Cuba. À l’époque, il m’était impossible de voyager. Ma première expérience de « terrain » a eu lieu entre 1985 et 1986 en Angola, où j’avais été envoyé comme soldat. Par la suite, je n’ai pas manqué de renouveler cette aventure fortuite au point que c’est devenu une démarche personnelle d’exploration. Je me rendais dans un pays pour travailler et j’en profi tais pour passer du temps dans les communautés indigènes de la région. Lors de ma première visite aux États-Unis, j’ai côtoyé les populations Lakota et Cree Chippewa dans le Dakota du Sud et le Montana. Toujours dans la même logique, au cours de mes premiers voyages au Mexique (essentiellement dans le nord du pays), où j’ai séjourné parmi les peuples Seri, Tarahumara, Yaqui, Cora et Huichol. Bien des années plus tard, je me suis rendu régulièrement au Kenya et en Tanzanie et j’ai voyagé accompagné d’amis comme Manuel Jordán et Alan Varela en Zambie, au Botswana et en Afrique du Sud. Le voyage a donc été fondamental dans mon approche, mais j’a été sensible aussi à d’autres infl uences. Mon intérêt pour la notion d’accumulation et de collection d’objets doit par exemple beaucoup à mes nombreuses visites au Museo Ernest Hemingway de La Havane : un lieu emblématique regorgeant de livres et d’objets anciens, dont des objets aasai et makonde qu’Hemingway avait rapportés d’Afrique de l’Est. L’infl uence d’un professeur d’histoire de l’art, le regretté Antonio Alejo, a également été importante pour moi. Tout comme de nombreux autres artistes, j’ai été marqué par son talent et sa passion. Avant l’arrivée au pouvoir de Castro, Antonio avait énormément voyagé et amassé des pièces provenant de cultures diverses du monde entier. Sa maison accueillait des objets en tous genres : poteries et jades de Chine, masques africains, fragments de pièces précolombiennes du Mexique et estampes japonaises...


T76Fr_internet
To see the actual publication please follow the link above