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Holly Keko 109 de la représentation. Les grands yeux entrouverts et la présence d’une petite barbiche accentuent l’aspect ascétique du visage orné de scarifi cations, aspect encore souligné par le caractère le plus évocateur : la coiffure yuú-jimàní (« la tête qui commande »), insigne des dignitaires religieux teésè, composée d’une crête centrale se terminant en queue et de fi nes tresses rassemblées vers le haut de la nuque pour former une sorte de catogan. L’apparition d’un nouveau style… Toujours selon le récit d’Ontoré, quand arriva le moment de placer d’autres statues dans le thílduù, Kou-Jina se rendit à Poyo, près de Vaàlà, pour requérir le sculpteur birifor alors le plus renommé de la zone, Kipume Youl7, à qui, d’ailleurs, les Birifor de Malba avaient habituellement recours. Mais celui-ci étant très âgé, il lui recommanda Wibrika Palé, sculpteur teébò du même village. Ce dernier emprunta alors les traits signifi catifs de la grande statue offerte par les Teésè, les adaptant à la conception formelle de Kipume. Lors de la collecte d’objets pour le futur musée du Poni de Gaoua8, les anciens du village de Malba confi èrent à l’ethnologue française, Madeleine Père, une statuette réalisée par un certain « Wiké Poyo », surnom de Wibrika Palé, sculpteur notoire évoqué plus haut et dont le fi ls aîné, Gnemithé Dá (sculpteur lui aussi), mourut à un âge très avancé, peu après le passage, en 1898, des troupes de Samori Touré9. Cette information permet de dater grosso modo la naissance de Wibrika Palé vers 1800 et de situer la réalisation des statues dues à sa main autour des années 1850. Certaines données sociales étayent l’hypothèse de cette datation. Chez les Lobi, par exemple, personne ne peut accéder à une haute charge, dont la détention de certains cultes, avant d’avoir atteint sa maturité socioreligieuse, ce qui, pour un homme, coïncide avec le statut de grand-père d’un jeune initié au jòrò et correspond à l’âge de quarantesept, cinquante ans environ. Il en va de même pour le titre de thíteldaár (plur. thíteldárá), « maître sculpteur », acquis avec la réalisation de thílkõtína (les statues dédiées au culte des ancêtres lignagers), appelées à perpétuer les traits distinctifs du style concerné. Un autre argument est donné par la reconstitution généalogique du lignage des Kou, qui permet de situer vers 1845 et 1850 les décès des parents de Kou-Jina Kambou, le fondateur du village, ce qui requit l’exécution de leurs supports cultuels (voir fi g. 3, statues 2a et 2b). Probablement né au tournant du XIXe siècle sur un territoire alors peuplé en majorité de Teésè, le sculpteur Wibrika Palé (± 1800-± 1870) avait certainement assimilé les différentes caractéristiques formelles des


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