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DOSSIER 120 Les musées néerlandais d’anthropologie renferment des collections d’art du Congo parmi les plus anciennes et les plus importantes au monde. Cela s’explique principalement par les contacts commerciaux de la Nieuwe Afrikaanse Handelsvereniging1 (NAHV) et de ses employés. Parmi ses ensembles d’art congolais, on dénombre une quarantaine de défenses en ivoire d’éléphants et d’hippopotames, taillées en spirales et richement décorées, connues comme « ivoires du Loango ». Ce type de défenses – conservées également dans d’autres collections internationales – sont principalement décorées de scènes de la vie quotidienne locale, de commerce, de motifs floraux et animaliers. Rarement présentes dans des expositions permanentes ou même temporaires, quand elles y figurent, c’est pour évoquer l’art touristique ou de contact sans que d’autres informations sur leur nature ne soient apportées. Pourtant, ce type de création mérite que des études poussées leur soient consacrées, tant pour leurs qualités esthétiques intrinsèques que pour ce qu’elles révèlent de la société qui en est à l’origine.2 Les ivoires du Loango appartiennent, en effet, à une catégorie très particulière d’objets dont l’existence est la matérialisation formelle du contact entre deux cultures. J’ai commencé à m’y intéresser dès 1997,3 dans le cadre d’une étude sur le développement de l’art touristique dans la région du Bas-Congo4 à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, période à laquelle la présence d’Européens sur ce territoire se manifestait très largement dans l’art. Cette étude portait principalement sur le recensement de tous les ivoires du Loango dans les musées néerlandais5 et permit de voir à quel point ces objets et les histoires s’y rapportant nous ouvrent une fenêtre sur un monde depuis longtemps disparu. Les premières mentions de cet art remontent au début du XXe siècle. En 1918, Herbert Lang s’y référait en affirmant : « (...) les autochtones du Loango (...) sont encouragés par les commerçants et autres hommes blancs à sculpter des ivoires de qualité professionnelle. Certains d’entre eux sont exécutés avec talent bien qu’ils représentent un ensemble d’idées européennes mal assimilées par un cerveau noir. » (Lang, 1918 : 529). Zoologue allemand, Herbert Lang a dirigé entre 1909 et 1915, avec l’ornithologue James Chapin, FIG. 1 : Défense d'éléphant coupée ornée de scènes tout à fait dans le thème du commerce. L. : 82 cm. National Museum of World Cultures, Tropenmuseum, Amsterdam. TM A-11083. Donation Artis, 1920. © pour tous les visuels : Tropenmuseum / Irene de Groot Histoires d’ivoire L’ART DU LOANGO FIG. 2 (À DROITE) : Défense d’éléphant coupée avec des scènes de la vie quotidienne dont : un homme avec une boisson, un homme attaqué par un éléphant et un forgeron au travail. L. : 38 cm. National Museum of World Cultures, Tropenmuseum, Amsterdam. TM 229-3. Legs de la Baronne von Gotsch O.E.A.E. Wüste, 1924. Par Sonja Wijs


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